Les vidéos qui circulent prouvent la présence de comportements racistes. L’origine de l’agression et sa motivation restent néanmoins soumises aux conclusions de l’enquête. Si il semble difficile de juger une affaire sur ces seuls extraits. Le profil du groupe impliqué offre quelques informations complémentaires sur l’idéologie poursuivie par ceux qui se présentent comme de bons samaritains.
Les faits : Affrontements à Bordeaux et versions contradictoires
Le 24 juin des habitants de Bordeaux filment deux groupes s’affrontant rue des Menuts. D’après Nikola Dobric, Cofondateur du collectif « La Cité U de la Peur », les membres du groupe Bordeaux Nationaliste circulaient dans les rues en prononçant des chants racistes. Il déclare être en contact avec l’auteur des vidéos et précise que les témoignages qui les accompagnent parlent de provocations envers les riverains d’origine africaine, suivis des affrontements.
TW : Série d'agressions par un groupuscule d'extrême droite à Bordeaux 🤬
— Nikola Dobric 🔻 (@Nikola_Dbrc) June 25, 2022
Hier soir aux alentours de 2h du matin, une dizaine de membres du groupuscule Bordeaux Nationaliste ont déambulé dans le quartier Saint-Michel en chantant des slogans racistes et ont agressé des riverains. pic.twitter.com/ZcdtR026gg
Sur sa page officielle, Bordeaux Nationaliste publie un communiqué le 25 juin et dénonce l’agression d’un couple par un groupe de « racailles » détenant des armes à feu et des couteaux. Puis présente l’intervention de ses 9 militants comme une assistance à personne en danger. Sur les vidéos, aucune arme à feu n’est visible. Une enquête de Police a été ouverte.
Le contexte : Apologie du fascisme et des agressions racistes
Depuis le début de la guerre en Ukraine la communication publique de Bordeaux Nationaliste se concentre sur des dons humanitaires envers les réfugiés ukrainiens. Mais en remontant peu avant l’invasion, le paysage est beaucoup moins humain.
Dans une vidéo diffusée le 11 février 2022 les militants organisent une marche au flambeau. Face caméra, les membres cagoulés écoutent un discours qui rend hommage à Robert Brasillach. Homme de lettre, membre de l’action française il participe durant la collaboration au journal « Je suis partout » connu pour son antisémitisme. Il sera condamné et fusillé après la Libération et devient un symbole de la France fasciste.
L’organisation nationaliste se présente comme un groupe révolutionnaire et appelle à l’insurrection. Ses membres organisent annuellement des hommages à Sébastien Deyzieu. Militant qui s’est défenestré en fuyant la Police lors d’une manifestation conjointe entre les organisations néo fascistes du GUD et des JNR. A la suite de ce décès, les membres des deux organisations et des militants du Front National de la jeunesse créent le comité du 9 mai (C9M) qui devient le carrefour des groupes radicaux français. Bordeaux Nationaliste participe le 30 avril au collage d’affiches siglées C9M.
Comme la plupart des organisations d’extrême droite, l’image publique diffère du comportement privé. La discipline règne et sur les réseaux sociaux aucun membre du collectif ne participe aux commentaires sur le compte officiel. En réécoutant les extraits de l’affrontement à Bordeaux l’on comprend mieux pourquoi : cri de singe, renvoi aux origines algériennes des personnes qui leur font face, le racisme est décomplexé lorsque Bordeaux Nationaliste ne se sent pas observé. L’infiltration des services de renseignement français dans l’un des apéro « de cohésion » serait assurément très « instructive ».
Plus inquiétant encore, des militants soutenant le groupuscule s’exercent au tir ce qui pose la question d’un risque terroriste. Ils témoignent par ailleurs d’un soutien idéologique aux Zouaves Paris. Organisation impliquée dans plusieurs agressions racistes, dans des violences contre les militants du NPA et responsable de l’agression de militants d’SOS Racisme lors du meeting d’Eric Zemmour le 5 décembre 2021. Après la dissolution de l’organisation, Bordeaux Nationaliste commente « Vous pouvez dissoudre nos structures, pas nos idées ! ». Un slogan qu’ils ont déjà mis en pratique lorsque le groupe angevin Alvarium fut dissout pour agressions racistes répétées.
Le collectif d’extrême droite annonce le 25 juin recouvrir aux services d’un avocat pour rédiger un droit de réponse auprès des médias ayant dénoncé une ratonnade après les affrontements rue Menuts. Ils pourront pour cela compter sur maître Bonneau, déjà engagé auprès du collectif lors de conférences intitulées « Le militant Nationaliste face à la répression ». Le 27 juin le compte officiel de l’organisation annonce le dépôt d’une plainte en diffamation qui pourrait cibler Sudouest.fr, Bordeaux, Rue89 Bordeaux et France Bleu.
Si dans les extraits vidéos qui ont circulé ce weekend il n’est pas évident de savoir qui a l’initiative dans l’agression, on y entend bien des cris de singe et des renvois aux origines des belligérants. De part ses appels à l’insurrection et les soutiens à des organisations dissoutes pour violence raciale, Bordeaux Nationaliste se rend au moins complice d’agressions et d’apologie du fascisme.