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Quand la Russie oublie ses menaces nucléaires contre le Royaume-Uni

Quand la Russie oublie ses menaces nucléaires contre le Royaume-Uni

menace nucléaire russie royaume uni
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C’est le débat connexe aux funérailles de la Reine Elizabeth II. La Russie se dit furieuse de ne pas avoir été invitée. Et bénéficie d’une amnésie omettant la raison principale de cette non invitation : les menaces de tir nucléaire sur le Royaume-Uni.

Les faits : Deuil national au Royaume-Uni et vexation de la Russie

Des dignitaires étrangers sont venus des quatre coins du monde pour assister aux funérailles de la Reine Elizabeth II. Même le Brésil et l’ambassadeur d’Iran, pays liés à la Russie, sont dans la tribune. En raison de l’histoire personnelle de la Reine, qui s’est portée volontaire dans la British Army durant la 2nd Guerre Mondiale, Les pays victorieux sont à l’honneur : Etats-Unis, France et Canada. La Chine est elle aussi présente par son vice-président.

La Reine, c’est avant tout un symbole lié à la victoire contre l’Allemagne Nazi. Alors pour l’héritier de l’URSS, l’absence aux côtés des pays victorieux revêt un caractère injurieux. Le Kremlin diffuse sa réponse le 18 septembre et parle d’acte blasphématoire. Pour les polémistes, la mémoire historique autoriserait un laissé passé hors du conflit ukrainien. Ainsi plusieurs chroniqueurs, y compris sur France Info, relaient l’information en appuyant l’intérêt russe : pourquoi l’Arabie Saoudite est-elle invitée, quand la Russie ne l’est pas ? Pour donner du poids à leur angle d’approche, le sujet se concentre autour des droits de l’homme. Un emballement qui néglige des faits majeurs. Peut-on inviter à des funérailles nationales, le représentant d’un pays qui menace de vous rayer de la carte ?

Le contexte : La Russie a menacé de tirer des missiles nucléaires contre le Royaume-Uni

Lorsque la Fédération de Russie comprend que les pays soutenant l’Ukraine n’en resteront pas aux mots, un vent de panique pousse les autorités et médias russes à franchir la ligne rouge.

La première menace nucléaire s’est faite par la voix officielle. Le ministère des affaires étrangères russes, Sergueï Lavrov annonce dès le mois de mars, qu’une aide occidentale vers l’Ukraine engendrerait une 3ème Guerre Mondiale. Et précise « ce serait une guerre nucléaire dévastatrice ». La formulation de cette dissuasion est adroite pour ce qui est de diluer les responsabilités, mais aucun pays n’ayant brandi la menace nucléaire, on comprend rapidement qu’il parle de frappe russe sur les pays de l’OTAN.

Début mai le Royaume-Uni communique sur le bilan de ses livraisons d’arme vers l’Ukraine, avec notamment l’envoi de 4800 missiles NLAW. Un seul d’entre eux peut permettre à un fantassin d’éliminer un tank russe. Le Kremlin comprend alors que son invasion est sérieusement compromise. Il faut renouveler la dissuasion par la terreur : la menace nucléaire se précise par les relais de propagande russe. Un reportage diffusé sur la chaîne d’État Rossiya-1 modélise des missiles et une énorme vague s’abattant sur les terres. Le journaliste décrit l’utilisation d’un missile thermo-nucléaire russe visant la côte britannique pour «causer un Tsunami d’environ 500 mètres de hauteur ».

Il trouve intéressant d’inclure dans sa menace, la précision qu’un tel tir provoquerait un nuage radioactif. Les autorités britanniques réagiront avec leur flegme légendaire, invitant à « ne pas détourner le regard des vraies atrocités commises en Ukraine ».

Premier problème dans cette démonstration de force russe : une telle menace nuit à la stratégie de la cinquième colonne. Qui consiste à chercher des collaborateurs dans les pays européens, capables de soutenir les intérêts de la Russie ou de provoquer une paralysie dans les pays soutenant l’Ukraine. Il n’est pas certain que les partisans de Vladimir Poutine qui vivent au Royaume-Uni, apprécient l’idée d’un tsunami… Le potentiel d’endoctrinement est réduit lorsque l’on évoque la possibilité de tuer les civils, qui comprennent les collaborateurs et leurs familles.

En août, la menace est donc reconduite sur Rossiya-1, mais sous une forme qui n’effarouchera pas les soutiens européens à Vladimir Poutine. Le journaliste Igor Korottchenko annonce qu’en cas de présence de soldats britanniques sur le territoire ukrainien, des missiles frapperont Londres. Korottchenko n’est pas un électron libre : ancien militaire récompensé pour son dévouement par les services de renseignement russe et Président du Conseil Public auprès du Ministère de la Défense, il précise que son discours repose sur les documents d’État en terme de doctrine de réponse à l’OTAN : « Nous tirerons trois missiles Kanzhal sur Londres. Pas sur des civils, mais sur des cibles militaires ». Avant d’ajouter « nous frapperons des bases militaires anglaises comprenant des armes nucléaires américaines ». Si la forme est légèrement moins alarmante que dans la première menace, la population britannique est bien incluse dans les dégâts collatéraux.

 

Nous avons donc bien trois menaces de la Russie, par tir de missile contre les civils britanniques. Si les droits de l’homme sont effectivement mentionnés de manière partiale dans de nombreux conflits et invitations diplomatiques, ici il s’agit bien de prendre acte de la ligne rouge franchit par le Kremlin. Menacer l’Europe de tirs de missiles, cela a des conséquences diplomatiques. Même si certains ont la faculté d’oublier ces déclarations mortifères pour polémiquer sur la décision du Royaume-Uni, de ne pas inviter Vladimir Poutine.

L'info en plus : Quelles conséquences sur la population en cas de tir sur un silo nucléaire ?

En théorie, un missile nucléaire ne peut pas voir sa charge dévastatrice activée par une déflagration extérieure. L’explosion nucléaire ne repose pas sur une simple combustion, mais sur deux charges qui doivent être équilibrées et combinées en plusieurs étapes. Cependant, ces armes sont stockées dans des silos sous terrain protégés par une ou plusieurs couches de blindage. Pour percer les parois il faut donc une charge explosive conséquente, qui elle peut tuer les populations environnantes. Les photos d’illustration ne témoignent pas des versions modernes qui situent les missiles plus profondément dans le sol.

Ces silos ne sont pas toujours dans des zones désertiques. Par exemple, sur la presqu’île de Crozon, en France, un silo se situe à 200 mètres du village de Saint-Drigent. Au Royaume-Uni, la télévision d’État russe a bien indiqué Londres parmi les cibles.
On appelle  pentagone d’isolement le périmètre autour des silos dans lequel les civils sont en danger. Car si un accident nucléaire est peu probable dans ces stockages militaires et si une frappe sur les silos n’engendre pas l’activation systématique des charges nucléaires, la létalité pour les riverains est bien réelle. En raison des explosifs présents, du carburent des lanceurs, de l’arme utilisée contre le silo et de la dispersion de produits toxiques. Sans compter que la détection d’un tir contre un silo nucléaire peut provoquer le lancement des missiles visés.