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Les autorités maliennes participent aux actions hostiles contre la France

Les autorités maliennes participent aux actions hostiles contre la France

Amina Fofana membre du Conseil National de Transition et Ben Le Cerveau, militant pro Russie
Amina Fofana membre du Conseil National de Transition et Ben Le Cerveau, militant pro Russie
Amina Fofana membre du Conseil National de Transition et Ben Le Cerveau, militant pro Russie
Amina Fofana membre du Conseil National de Transition et Ben Le Cerveau, militant pro Russie

Souvent résumée à des actes de la société Wagner, la désinformation contre la France provient aussi des  autorités maliennes. Plusieurs membres du Conseil National de Transition ont diffusé des fakes news et les maintiennent malgré les débunkings et alertes de leur auditoire.

Les faits : Amina Fofana, membre du CNT et diffamatrice récidiviste

Le 21 avril Amina Fatima Ibrahima Fofana, membre du Conseil National de la Transition au Mali, affirme sur la chaîne Afrique Média que la France réalise une invasion et dirige le terrorisme. Aucun conditionnel, aucune hypothèse : l’accusation est ferme.

S’ensuit une litanie de mensonges. Il n’y a presque aucune phrase dans ses discours, qui corresponde aux faits et actualités qu’elle prétend traiter. Alors que la France a poussé les rebelles aux tables des négociations pour préférer une décentralisation à une indépendance brutale, Amina Fofana accuse la France de vouloir séparer le Mali en deux. Pourtant à la date de son propos, la France a déjà légué plusieurs de ses bases à l’armée malienne sans aucune confrontation.

Si le procès d’intention contre la France peut se comprendre par des écarts de perception et d’ambitions, ou par des différences de données, en revanche la construction pure et simple de fake news relève d’une intention de nuire. Le 23 avril à 17H38 l’agence russe Anna News publie sur son compte Telegram la photographie d’une radio Falcon III RF-7800V-V51X récupérée sur les forces ukrainiennes. Le texte russe qui l’accompagne indique bien l’origine du matériel et le théâtre d’intervention.

 

Le 27 avril, Amina Fofana, reprend la photo et en détourne le sens en indiquant : « Les matériels de communication saisis par l’armée maliennes aux mains des terroristes tués dans l’attaque du camp militaire de Sévaré. Des appareils de fabrication française point de vente Paris. ».

 

Comme souvent dans les actions de désinformation malienne, des détails techniques sont donnés pour renforcer la crédibilité du propos.

Une fiction qui diffuse l’idée que la légitimité du pouvoir tient à l’opposition face à la menace française. En accusant l’hexagone d’être à l’origine du terrorisme et de l’aide aux djihadistes, l’extrême droite malienne s’assure la conservation du pouvoir par la désignation d’un bouc émissaire. Mais c’est aussi une incitation grave à l’agression, puisque cette désinformation insinue l’idée que tuer des militaires français, ce serait tuer des terroristes.

 

Commentaire sous la publication d'Amina Fofana
Amina Fofana encourage l'hostilité contre la France

Alertée par plusieurs utilisateurs du réseau social qui ont rappelé l’origine réelle de la radio, Amina Fofana s’est contentée de répondre par un drapeau malien associé à celui de la Russie et du commentaire « Vous n’allez pas tarder à trouver ce que vous êtes venus chercher au Mali. » Facebook, malgré les nouvelles lois européennes contre la désinformation et l’incitation à la violence, n’a toujours pas sanctionné cette fake news et son instigatrice, pourtant signalées de nombreuses fois.

Le contexte : Un fascisme déguisé en anti impérialisme

Le Conseil National de la Transition est un organe anti-parlementaire constitué par la junte. Après le coup d’État de 2020, les militaires mettent en place le Comité National Pour le Salut du Peuple, qui met lui même en place le Conseil National de la Transition et dissout le Parlement. Plus aucun membre des autorités maliennes ayant un pouvoir exécutif ou législatif, n’est issu d’une élection.

Dans un premier temps, il existe néanmoins une certaine pluralité au sein du CNT qui rassemble 121 membres issus de différents courants de l’opposition malienne. Certains proviennent des groupes armés signataires de l’accord de paix d’Alger, de partis politiques, des personnalités issues du Mouvement du 5 juin- Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), de syndicats, d’association ou de l’armée.

Présenté comme un contre pouvoir, l’ensemble de ce dispositif est pourtant contraint par le président Assimi Goïta et le premier ministre Choguel Maïga. Selon Kadidia Fofana, présidente du mouvement Ante Sen Boala, lorsque le 21 avril le premier ministre reçoit des questions du CNT au sujet du coût des fournitures d’arme par la Russie, il répond que les maliens n’ont pas besoin de savoir combien ont été achetés les équipements : « Ils ont des armements qui marchent, qui les sécurisent, c’est l’essentiel. Les chiffres, c’est l’affaire des militaires. »

 

Des politiciens maliens ont participé aux marches contre le pouvoir d’Ibrahima Boubacar Keïta, ayant engendré le coup d’État. Ils ont par la suite fait l’objet d’arrestation lorsqu’ils ont critiqué l’accaparement du pouvoir par quelques uns. C’est la situation subie par Issa Kaou N’Djim, quatrième vice-président du Conseil national de la transition, arrêté en octobre 2021 pour « propos subversifs ». Il critiquait le report des élections présidentielles et l’expulsion du représentant de la CEDEAO.

En décembre 2021, dans une seconde interview d’Amina Fofana à Afrique Média, la politicienne se met à hurler contre un invité du plateau qui lui pose une question contrariante. Elle finira même par le renvoyer à ses origines étrangères, il est burkinabè. Un épisode très représentatif de l’exercice du pouvoir actuellement pratiqué au Mali et qui ne peut pas être qualifié autrement, que comme une politique d’extrême droite.

Les actions hostiles et de désinformation contre la France et les pays voisins sont directement liées aux autorités maliennes, qui écartent tour à tour, les voix contestant leur politique. Amina Fofana par un poste rattaché à la gestion des affaires étrangères au sein du CNT, est donc bien membre du pouvoir malien. Elle utilise l’argument d’autorité de son mandat pour diffuser des désinformations. Elle prétend régulièrement s’appuyer sur la communication des forces armées maliennes mais pourtant, plusieurs des mensonges qu’elle propage ne correspondent ni aux communiqués de la Présidence malienne, ni aux communiqués des FAMAS. Mais elle ne fait l’objet d’aucune sanction, tout en continuant de s’exprimer au nom du CNT. Une stratégie du double discours entretenue par le pouvoir malien, qui d’une main envoi des messages d’apaisement, et qui de l’autre, protège les désinformateurs préparant l’opinion aux futures élections.

Les enjeux : Ne pas réduire la désinformation aux actions d’une société militaire privée

Les prises de positions des membres du CNT sont peu suivies par les occidentaux, contrairement aux actions de la société Wagner. Les membres du CNT ont cependant une audience forte auprès des citoyens maliens, et futurs électeurs. Puisqu’ils sont présentés comme les défenseurs de la révolution, invités sur les plateaux de télévision maliens et d’Afrique francophone, en s’étant attribués les pouvoirs des anciens députés.

Cette fonction leur permet aussi de porter la déstabilisation à l’étranger en partageant par exemple les vidéos de Jean-Luc Mélenchon qui s’interroge sur le financement des terroristes, alors que plusieurs  députés de la France Insoumise sont membres de la commission Défense et ont pu consulter les rapports répondant à ce genre d’interrogation. Déstabilisation qui passe aussi par les soutiens à des groupes suprémacistes arabophobes, tel que la Ligue de Défense Noire Africaine. Dissoute en France le 29 septembre 2021.

Amina Fofana en compagnie d'Oumar Mariko membre du SADI et Egountchi Behanzin, président de la LDNA

L’habilité de ces politiciens maliens va jusqu’à mettre en avant des Gilets Jaunes français. Dans une vidéo lunaire on découvre un discours accusant les puissances critiques à l’attention de la junte, d’être des « puissances sataniques ». Ce en compagnie d’un représentant du groupe  Gilets Jaunes Constituants, visiblement très heureux d’être considéré par Amina Fofana comme un ambassadeur de l’opposition française.

 

Amina Fofana invite les Gilets Jaunes Constituants

Si la désinformation émane aussi des pouvoirs politiques maliens et de groupuscules qui y trouvent la satisfaction de leur ego, la Russie n’est cependant pas loin. Amina Fofana par ses relations avec des opposants français cherche à diffuser un soutien au mouvement « Debout sur les remparts ». Organisation constituée par Ben le Cerveau, Adama Diarra de son vrai nom. Parfois suspecté d’être un agent des services de renseignement malien ayant infiltré l’opposition, il fait parti des instigateurs du discours accusant la France d’être à l’origine du terrorisme au Mali et qui a permis de galvaniser la mobilisation à l’origine du coup d’Etat. Il revendique une proximité avec la Russie et définit l’hostilité envers la France comme une nécessité panafricaine.

Amina Fofana en compagnie de Ben le Cerveau, dirigeant de Yerewolo debout sur les remparts

Le panafricanisme est une idéologie d’extrême gauche africaine qui s’accompagne d’un désir de coopération entre les nations africaines, contre les prédations. Il s’incarne par des figures du marxisme africain tels que Thomas Sankara et Modibo Keïta, notamment connue pour la promotion du féminisme. Ce mouvement est régulièrement attaqué par les ex puissances coloniales jusque dans les années 90 à 2000. Où l’extrême droite africaine s’accapare le crédit d’image d’un panafricanisme en mort cérébral, tout en le dévoyant de ses fondamentaux. La reconnaissance des femmes et la défense de leur droit, l’investissement dans l’éducation, la collectivisation de ressources et d’entreprises ainsi que le respect diplomatique dans les rapports de force disparaissent au sein du panafricanisme 2.0

Ce qui est frappant, c’est de voir les expressions les plus offensives envers la France, être conduites par des individus qui sont par ailleurs de grandes fortunes africaines.
Parachutée au CNT, Amina Fofana est souvent décrite comme s’inspirant du modèle socialiste de Modibo Keïta. En réalité elle fait parti de la bourgeoisie malienne et a toujours privilégié les intérêts privés à l’idéologie collectiviste de Keïta. Issue d’une formation d’architecture réalisée en Algérie, elle s’enrichit à travers la gestion de cabinet d’urbanisme ayant reçu de gros contrats au Gabon, via la société KABI BTP. Entreprise connue pour avoir menacé une centaine de famille gabonaise d’expulsion pour des terrains qu’elles possédaient depuis une cinquantaine d’année. En terme de  panafricanisme, on a vu plus probant.

Si en Europe le greenwashing consiste à revaloriser son image par une communication verte, au Mali il existe le panafricanism-washing. La revalorisation de l’image d’acteurs politiques par l’emploi des symboles de l’indépendance socialiste africaine, mais sans en partager l’action. L’opération de communication pour se faire utilise une xénophobie exacerbée, associée à des techniques de désinformation permettant d’orienter les regards sur un bouc émissaire. Cette technique employée aussi par l’extrême droite européenne est souvent sous estimée pour les Etats d’Afrique, en raison de la négation de leur politique intérieure, que l’on remplace souvent par une confrontation entre continents et blocs culturels.