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Comment différencier un militaire d’un mercenaire ?

Comment différencier un militaire d’un mercenaire ?

mercenaire militaire wagner legionnaire
mercenaire militaire wagner legionnaire

La réponse peut sembler simple pour beaucoup de lecteurs mais les éléments distinguant les deux mentions sont loin d’être évidents. Engendrant une capacité de désinformation non négligeable et des récupérations politiques. Dans cet article-outil nous revenons sur les caractéristiques de chacun.

Les faits : Des définitions encadrées par les normes internationales

Entre le militaire et le mercenaire il existe un point commun : l’usage de la force et des armes. Mais la manière d’opérer et l’encadrement  ne sont pas similaires. La difficulté d’interprétation réside dans la contradiction entre le Droit Humanitaire International et le Droit International Public, qui apportent une définition du mercenariat assez différente l’une de l’autre.

Pour le militaire, il se caractérise toujours par l’intégration dans les forces armées d’un État. Il réalise une formation et dépend du commandement de l’armée nationale. Par ce lien de subordination, ses actes doivent répondre au cadre légal de l’État qui l’emploi et le militaire doit répondre aux ordre de sa hiérarchie. Lorsqu’il enfreint la loi ou les ordres, il est censé faire l’objet d’un jugement devant un tribunal. Le droit international encadre les possibilités du militaire, mais la fonction est légale.

Le mercenaire : cette fonction est interdite. Mais les récentes actualités sur la guerre en Ukraine et la constitution de Légions Étrangères permettent des confusions. Un étranger qui manie les armes dans un pays tiers ne peut pas de facto être qualifié de mercenaire.

On définit le mercenariat selon plusieurs critères. Il s’agit de personnes ayant un intérêt personnel dans le conflit, notamment par la rétribution. On considère souvent comme mercenaire un homme armé rémunéré bien au-delà du solde habituel pratiqué dans l’armée nationale du parti pour lequel il est employé. C’est par exemple le cas pour les soldats du groupe Wagner. Dont les pilotes gagnent 50 % de plus que ceux de l’armée nationale russe. Certaines de ses offres d’emploi sont passées de 1900 euros par mois à 2800, à la suite de la seconde invasion en Ukraine.

Cependant le déséquilibre entre les salaires de l’armée russe et des Wagner s’inverse, puisque désormais la Russie propose 3000 euros de revenus mensuels à ses volontaires. Mais ces montants sont trompeurs, de nombreuses recrues sont destinées à mourir sur le front sans pouvoir toucher leur solde. En tant « normal », le revenu des militaires russes est bien inférieur. En 2019  un soldat recevait 420 euros.

Le salaire ne suffit pas à définir le mercenaire. Il doit évidemment aussi prendre part aux hostilités. Et sa nationalité -peut- rentrer en compte. Pour le Droit Humanitaire définit par la Convention n°5 de la Haye, concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre : si l’engagé est résident ou de la nationalité de l’un des partis en conflit, son enrôlement n’est pas illégal. Cette définition permet donc de labelliser de nombreuses actions militaires à travers le monde et rend la convention quasiment inutile. Puisque rien n’empêche le pays agresseur, de fournir des papiers d’identité de sa propre nation. Et donc de labelliser n’importe quel homme armé sans garantie de professionnalisme.

C’est pourquoi l’Assemblée Générale des Nations Unis a voté le 20 octobre 2001 la résolution A/44/34 qui stipule que toute personne recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence visant à renverser un gouvernement ou à porter de quelque manière que ce soit, atteinte à l’ordre constitutionnel d’un État ou à son intégrité territoriale, est un mercenaire. Un second ajout prend ses distances des Conventions de La Hayes : l’appartenance à un État parti au conflit, permet de ne pas être qualifié de mercenaire, qu’à la condition d’être citoyen du pays agressé.

Les membres du groupe Wagner sont donc des mercenaires au regard des conventions de l’ONU. La dernière disposition de la résolution précise que le mercenariat concerne les personnes n’étant pas membre des forces armées de l’État.
En revanche les séparatistes peuvent difficilement être qualifiés de mercenaires, si ils sont de nationalité ukrainienne et si ils ne sont pas payés. Tout dépend de l’interprétation du droit des peuples à disposé d’eux même et du contexte

Le contexte : La légion étrangère qui renforce l’armée ukrainienne, est-elle un groupe de mercenaire ?

C’est toute la différence entre la gestion militaire ukrainienne et celle de la Russie. La situation n’a pas toujours été claire, notamment sous la présidence de Porochenko. En 2019 la légion géorgienne engagée auprès du parti ukrainien, se plaint des difficultés de mouvement sur le territoire, en raison de l’absence de papiers officiels. Volodymyr Zelensky après son élection souhaite rompre avec le laxisme de son prédécesseur et engage une série de mesures pour encadrer les volontaires étrangers et respecter la législation internationale.

Tout d’abord en refusant les candidats n’ayant aucune formation militaire, s’évitant quelques boulets. Puis en intégrant directement les étrangers dans l’armée nationale. Pour cela le candidat doit prendre contact avec l’ambassade d’Ukraine. Permettant un traitement administratif du dossier et donc un suivi et des contrôles. Plus question de débarquer avec son fusil pour faire n’importe quoi hors de toute chaîne de commandement de l’État. Il faut ensuite faire l’objet d’une enquête. C’est ainsi que deux néonazis américains voulant se porter volontaire ont été refusés en 2020. Suite à  l’alerte des services secrets ukrainiens.

Si la candidature est acceptée, le volontaire doit ensuite signer un contrat qui l’intègre directement dans l’armée ukrainienne. Il porte alors l’uniforme national et obtient son salaire des forces armées ukrainiennes. Ce qui constitue une différence notable vis à vis du statut de mercenaire.

Ce système est similaire à la Légion Étrangère française. Qui est elle aussi souvent accusée de mercenariat en Afrique. Mais la différence entre un mercenaire et un soldat n’est pas qu’un détail. Il s’agit d’encadrer par la discipline et la co-responsabilité, les actions des hommes en arme et des partis qui les utilisent. En 2014, des légionnaires français sont convoqués par la justice face à des accusations de viols sur des réfugiés centrafricains (ils bénéficieront d’un non-lieu du fait de l’absence de preuves). Puis en 2020 sept légionnaires français sont condamnés à des peines de prison pour trafic d’arme. Évidemment, la pression en terme d’image sur les armées, ne permet pas de qualifier le système d’infaillible. Mais il existe une volonté de contrôle, là où aucun des membres de Wagner ne fait l’objet d’une instruction par la justice russe en vue de limiter les crimes de guerre. Au lieu de cela, Vladimir Poutine répond régulièrement que les « accusations » ne concernent pas des membres de l’armée russe, mais une société privée et que cela ne le concerne en rien. C’est aussi cela, le mercenariat : utiliser, sans assumer de responsabilité.

Les enjeux : on ne traite pas les hommes en arme de la même manière

Le mercenaire n’a pas le droit au statut de militaire/combattant et ne bénéficie donc pas du statut de prisonnier de guerre. C’est la raison des batailles de communication entre les partis impliqués dans un conflit armée, puisque les obligations de respect des droits humains diffèrent entre la capture d’un mercenaire et celle d’un militaire. Ainsi les autorités russes ont prévenu : tout membre de la légion étrangère ukrainienne sera considéré comme un mercenaire.

Même enjeu du côté de la qualification en tant que « terroriste » pour les membres du régiment Azov. L’objectif est de pouvoir abuser des prisonniers en leur retirant leur droit.

Autre exploitation de la désinformation sur le statut des hommes en arme : l’arrestation de 49 militaires ivoiriens au Mali. La junte les accuse de mercenariat. Permettant de séquestrer des soldats pourtant membre de l’armée nationale ivoirienne. Un moyen de faire pression sur le pouvoir ivoirien sans être accusé d’agression directe envers la Côte d’Ivoire.