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Les accords entre les Comores et la France : atouts et limites

Les accords entre les Comores et la France : atouts et limites

L'ancien président François Hollande et le président de l'Union des Comores Azali Assoumani
L'ancien président François Hollande et le président de l'Union des Comores Azali Assoumani
L'ancien président François Hollande et le président de l'Union des Comores Azali Assoumani
L'ancien président François Hollande et le président de l'Union des Comores Azali Assoumani

Dans la longue histoire qui lie la France aux Comores les statuts des îles ont changé à plusieurs reprises. Depuis le referendum établissant Mayotte comme Département d’Outre Mer, l’écart de développement se creuse et renforce la pression migratoire. Quels sont les accords qui relient les deux États et quelles en sont les contraintes politiques ?

Les faits : L'accord monétaire

Comme de nombreux pays africains, Les Comores sont liés à la France par un accord monétaire. Le Franc Comorien est stabilisé par un dépôt à la Banque de France. L’hexagone à cédé 250 millions de franc comoriens pour instaurer le capital de départ de l’Institut d’émission des Comores. Les Comores sont libres de transférer les fonds et bénéficie d’une conversion illimitée avec le Franc CFA. Le régime de change est fixe mais les Comores ont le droit de dévaluer ou réévaluer leur monnaie.

S’ajoute une garantie de convertibilité. Celle ci permet d’échanger le Franc comorien avec toute devise étrangère ou de l’or. L’accord intègre un devoir de la France de fournir les fonds en euros en cas d’impossibilité des Comores de payer leurs importations. En contre partie les Comores doivent déposer 65 % de leur réserve de change au Trésor Public Français. La mesure est décrite par les autorités françaises comme une nécessité pour apprécier les risques économiques et anticiper l’obligation de pourvoir aux importations.

Le contexte : Accord de défense

Les Comores s’organisent autour d’une Union des îles. Ce procédé est le résultat de nombreuses négociations entre les locaux, l’ONU, l’Union Africaine et la France.

L’objectif concerté repose sur le maintien de l’unité des Comores face à des ambitions séparatistes. En 2001 l’île d’Anjouan subit un coup d’État sur lequel nous reviendrons dans un article dédié. Il aboutit sur la mise en place de l’Union des Comores et instaure une convention entre les îles augmentant l’autonomie de chacune.

En 2002 Mohamed Bacar remporte l’élection sur l’île d’Anjouan. Ancien militaire formé en France, sa réélection en 2007 est contestée par le reste de l’Union des îles. Les évènements à Anjouan restent obscures entre accusations d’exactions et soupçon de manipulation extérieure. En 2008 Mohamed Bacar est poussé à l’exil par une intervention militaire de l’Union Africaine et de l’Armée Nationale de Développement (troupes comoriennes). Il prend alors la fuite vers Mayotte et engendre une grave crise diplomatique. Il demande l’asile politique à la France qui le transfert à la Réunion. La situation s’accompagne d’un mouvement de contestation de la diaspora comorienne en France encouragé par les discours de Jack Lavane. Ce dernier est d’ailleurs revenu dans l’actualité en proposant dans le cadre de l’opération Wuambushu, d’intégrer Mayotte à l’Union des Comores.

Après ces évènements un accord de défense est signé entre la France et les Comores le 27 septembre 2010. Il vise à instaurer un climat de confiance entre les deux Républiques en renforçant les outils de la souveraineté nationale comorienne. Les deux partis sont encouragés à intégrer les partenaires européens et africains aux diverses forces mises en place.

L’accord de Défense implique un partage des renseignements liés aux menaces sur la souveraineté des deux pays. Et met en place des exercices et de formations communes entre les militaires des deux nations. S’ajoutent des autorisations d’escale portuaire et aérienne pour le matériel militaire. Des places sont réservées aux élèves comoriens dans les écoles militaires françaises. Les militaires formés ou en poste dans le pays d’accueil sont exemptés de frais en cas d’urgence médicales.

Les enjeux : Des accords de développement et les migrations

Les échanges commerciaux entre les deux pays sont importants.  La France est le principal partenaire commercial de l’archipel mais les Comores manquent de production et de transformation, nécessitant une importation trop forte. La France exporte pour 34 millions d’euros vers Les Comores et importe l’équivalent de 14 millions. Une balance commerciale déficitaire.

Est aussi déplorée l’absence d’investissement par les locaux. Les entreprises comoriennes ne sont pas assez nombreuses ni assez développées. En cause un manque de formation et un système bancaire balbutiant. S’ajoute la forte densité de population composée à 50 % de moins de 20 ans. Une situation qui ne s’améliorera pas sans une baisse de la mortalité infantile (36 décès pour 1000 naissances).

Sur ces points l’Agence Française de Développement a lancé des programmes pour assister les accouchements. Des participations dans l’éducation et les infrastructures s’ajoutent. Entre 2008 et 2017 l’action de l’AFD aux Comores est dotée de 74 millions d’euros. Suivis en 2019 d’un montant de 150 millions pour l’accord de développement France-Comore. Ce dernier vise à accompagner des entrepreneurs de la diaspora afin de favoriser la création de richesse. Ces sommes ne sont pas données à la présidence comorienne mais sont sous la responsabilité de l’AFD. A titre de comparaison, l’ONU ne verse que 14 millions par an pour le développement des Comores.

D’autres structures françaises participent aux investissements. On note une forte mobilisation de la Réunion. Un accord a été signé en 2006 entre la Réunion et l’archipel. Il encourage les investissements réunionnais dans l’irrigation, le matériel et les techniques agricoles. Des comités de suivis ont été instaurés pour assurer l’augmentation des récoltes qui sont cependant trop souvent exportés sans la plus value de transformation. 314.000€ sont investis dès la première année dans cette coopération. 45% en provenance du Fond Européen de Développement Régional, 10% par le Fond de Coopération Régionale de la Réunion, 36% par la Région Réunion et 9% par des fonds comoriens appartenant aux agriculteurs.
Le gouvernement de l’Union des Comores exonère de droits de douanes l’achat de matériel agricole. L’accord est renouvelé tout les deux ans. La dernière signature date de novembre 2022.

Le referendum de 2009 a crispé les relations diplomatiques :

En 2009 un referendum sur la départementalisation de Mayotte obtient 95 % de vote positif. Le changement de statut de l’île est officialisé en 2011 et contesté par l’Union Africaine qui considère Mayotte comme un territoire comorien.

En parallèle de la généralisation des prestations sociales pour les mahorais et des investissements dans les infrastructures, l’écart de richesse entre Mayotte et les Comores s’accentue ainsi que la pression migratoire. Le 21 juin 2013 le président François Hollande se félicite de la signature d’une déclaration d’amitié. Elle devait refonder la relation bilatérale avec la mise en place d’un haut conseil paritaire. Mais derrière les discours se trouve la volonté de l’hexagone d’obtenir l’accord pour débarquer les migrants comoriens dans l’Union.

La situation prend peu à peu des airs d’apartheid social où la population mahoraise souhaite se bunkeriser et repousser les migrants vers les îles voisines. En 2018 des manifestations ont lieu contre l’augmentation des crimes et délits. L’écart de richesse a conduit à l’augmentation des vols contre la population mahoraise. Les collectifs vont jusqu’à bloquer l’entrée du centre pour demandeur d’asile et demandent la fermeture des frontières. En mars le président des Comores, Azali Assoumani décide de rompre les accords de reconduite à la frontière. Son annonce est politique et à destination des électeurs comoriens puisque dans la même période il modifie la Constitution pour pouvoir se représenter en 2019.

Azali Assoumani relance la relation bilatérale en novembre 2018 mais la signature d’un nouvel accord migratoire n’interviendra qu’après sa réélection en mars 2019. En juillet il signe le dernier accord en vigueur qui autorise le débarquement de migrants dans les Comores en échange d’une enveloppe de 150 millions d’euros. L’épisode est décrit par plusieurs médias comoriens comme un chantage à la réélection. La France n’obtiendrait l’accord de reconduite à la frontière qu’à condition de reconnaître la présidence d’Azali, malgré des alertes de l’Union Africaine sur la détention de prisonnier politique et des atteintes à la liberté électorale.

Une configuration similaire semble se réaliser en marge de l’opération Wuambushu et souligne la difficulté politique. Les Comores sont partagés entre la nécessaire coopération avec le voisin français et un électorat qui n’accepte pas les reconduites à la frontière. La logique inverse vaut pour le pouvoir français : la population mahoraise refuse les migrants illégaux mais la France doit négocier avec les Comores. Par ailleurs les aspirations démocratiques aux Comores constituent pour le pouvoir français un risque de balkanisation de l’archipel, là où le président actuel assure l’unité nationale.
Face à ces enjeux, l’ONU semble se désengager de son rôle de facilitateur entre les nations. Or il ne semble y avoir aucune solution perenne à la pression migratoire en dehors du développement des Comores pour équilibrer le niveau de vie entre les îles.

80 % de la diaspora comorienne réside en France, entre Mayotte et la Métropole. Cette population représente plus de 15% du PIB de l’Union des Comores via les envois de fonds aux familles.
Au sein de cette diaspora, commence à circuler l’idée d’une voie de stabilisation, qui consisterait à intégrer l’ensemble de l’archipel au 101ème département français.

Mais la concrétisation d’une telle hypothèse parait peu probable tant elle serait inacceptable pour le monde politique comorien, pour la
population mahoraise et pour les finances publiques françaises.