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Mayotte une île dynamique malgré l’insécurité

Mayotte une île dynamique malgré l’insécurité

mayotte dynamisme construction
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La 9ème édition des grands trophées mahorais se déroulera le 13 mai 2023. L’évènement met à l’honneur des projets locaux recoupant tout les secteurs d’activités. La liste des nominés expose les réalisations et projets qui rendent l’île si dynamique.

Les faits : l'investissement des acteurs locaux

Les Trophées Mahorais de l’Entreprise sont un concours organisé par la Somapresse. Société lancée en 2000 par trois journalistes qui éditent les principaux journaux de l’île. Depuis sa création le concours a reçu les dossiers de 443 entreprises mahoraises. Cette année la sélection s’annonce prometteuse. On compte plusieurs entreprises de production de vêtement, des traiteurs, des écolodges touristiques, de location de vélo électrique et des activités plus spécifiques.

C’est le cas de Kaweni Nouvelle Aire qui a formé plus de 58 jeunes à l’horticulture et réalise des missions de médiation aux abords des établissements scolaires pour protéger les enfants de l’insécurité. Elle organise aussi des compétitions sportives pour créer du lien entre les jeunes.

Le label Yeka Production fait lui aussi parti de la sélection. Fondé en 2020 par l’artiste montante Zily, le label lui a permis d’exporter la musique mahoraise sur le reste du continent africain où elle participe désormais aux grands festivals.

Autre candidat au titre : Koko Expériences fait redécouvrir Mayotte à travers son patrimoine naturel, culinaire et architectural. Les personnes âgées sont mises en avant lors d’ateliers de cuisine, de cosmétique naturelle et de construction de banga afin de partager leurs savoir-faire. La structure s’est constituée lors d’un projet de fin d’étude d’ambition touristique. Les organisateurs ont été surpris par le résultat : « On a plus de clients mahorais que de non natifs. On leur propose un retour aux sources et les Mahorais adorent cela ».

Dans les DROM-TOM un problème récurrent est le manque d’entreprise de transformation qui oblige de fortes importations jouant sur l’écart de prix entre la métropole et les outres-mers. La catégorie du concours entreprises dynamiques met l’accent sur le secteur de la transformation en nominant l’Abattoir de volaille de Kahani. D’une capacité de plusieurs milliers de volailles par jour, l’établissement comprend une unité de conditionnement et un magasin pour le consommé local. Un moyen de réduire la consommation de viande surgelée nécessitant une forte consommation énergétique.
Toujours dans l’optique de la souveraineté alimentaire, l’entreprise Mayotte Tropic stocke et distribue un large panel de produits frais au détail et en gros. Le réseau de distribution comprend plus de 300 camions permettant de centraliser les productions locales et de les redistribuer à la fois aux consommateurs mais aussi aux traiteurs et restaurateurs de l’île.

La population mahoraise a des besoins que le secteur de la cosmétique néglige parfois. La peau noire a ses spécificités auxquelles Sublime Institut souhaite répondre. Salon de beauté spécialisé, l’entreprise est un débouché pour de jeunes étudiants souhaitant parfaire leur formation en intégrant les besoins locaux.

Avec une forte augmentation de sa population, Mayotte doit construire toujours plus vite. AC BTP est sélectionnée  pour sa capacité à produire elle même une partie de ses matériaux de construction. Le couple à la tête de la structure justifie ce choix « Les gens font leur terrassement et jettent la terre n’importe où. Nous faisons du recyclage en la récupérant pour en faire des briques. C’est de la matière première moins cher ». Un matériau qui a l’avantage d’avoir une bonne isolation contre la chaleur mais qui est aussi beaucoup plus esthétique que les tôles, prisées pour leur faible coût. Le lycée devant être construit à Longoni utilisera les briques d’AC BTP.

Un autre secteur a le vent en poupe et depuis longtemps : la fabrication d’huile essentielle. Le parfumeur Guerlain a longtemps produit les bases de ses huiles d’ylang-ylang sur l’île de Mayotte. Mais en 2002, fâché de ne plus pouvoir exploiter les migrants librement et dénonçant « les tracasseries de l’inspection du travail », l’entreprise quitte Mayotte pour se relocaliser sur l’île comorienne d’Anjouan. Des mahorais ont alors lancé des productions d’huile essentielle, c’est le cas du Jardin d’Imany qui propose aussi des visites pédagogiques.

Mayotte s’inscrit aussi dans l’ère du numérique. La société Maoclav Concepts a développé une application permettant d’utiliser un clavier en shimaoré et en kibushi, les deux langues régionales de l’île. Elle comprend trois caractères absents de l’alphabet latin qui permettront aussi d’écrire en swahili et en malgache.

MayExperInfo développe pour sa part des logiciels de gestion de stock et de caisse enregistreuse à destination des commerçants locaux : « Nous prenons en charge l’installation et la formation de l’acheteur pour qu’il puisse prendre en main le matériel et cela où qu’il soit implanté sur l’île ».

La catégorie projet citoyen a sélectionné Clap Production, dirigé par Jacqueline Djoumoi-Guez. La structure réalise des productions audio-visuelles avec une tendance militante : « Je fais très peu de projets de divertissement ou des pubs à but consumériste et capitaliste. Je veux traiter de parentalité, d’intergénérationnalité, des droits des femmes, qui me tiennent particulièrement à cœur ». La société de production a fait polémique avec la réalisation de la série Colocs. Cette dernière met en avant 4 jeunes femmes partagées entre la tradition et la modernité et promeut l’émancipation des femmes vis à vis des injonctions au mariage et des pressions familiales.

Le contexte : Des projets de construction difficiles à réaliser

Le 27 avril la préfecture de Mayotte médiatise la destruction d’une dizaine de maison sans titre de propriété. Un choix habile puisque l’emplacement est réservé pour la construction d’un Lycée agricole et met en avant la contrainte constituée par les bidonvilles. Mais l’opération médiatique de la préfecture qui intervient après des communiqués dénonçant les habitats illégaux liés à la pression migratoire est entachée par les témoignages de plusieurs habitants qui se révèlent être mahorais.

La situation est loin d’être isolée puisque de nombreuses communes ont leur plan d’urbanisme bloqué, que ce soit pour la construction d’équipements sportifs ou de logements en durs. Les discussions communales et les rapports d’urbanisme soulignent très clairement la présence de populations mahoraises dans ces bidonvilles. Si bien qu’en 2011, la ville de Mamoudzou ouvraient des débats sur les contraintes limitant la construction de logements sociaux. Soulignant que ces chantiers permettraient de réduire l’habitat insalubre et d’améliorer le quotidien. La catégorie des Trophées Mahorais de l’Entreprise consacrée aux Bâtisseurs de l’année expose cette problématique.

Le Gymnase de Mamoudzou fait parti des nominés et propose des terrains de basket, volley , handball et football . Inauguré le 12 janvier 2023, le projet a eu plus de chance que celui du stade de Mamoudzou dont les engins de chantiers ont été incendiés il y a quelques jours.

Mayotte a longtemps manqué d’opérateurs de BTP. Il n’est donc pas étonnant de retrouver la Société Immobilière de Mayotte dans les nominés, suite à la réalisation du projet Marzoukou. Dans la commune de Dzaoudzi, 238 appartements sont sortis de terre et ont permis de reloger des familles précaires mais aussi d’attirer des foyers plus aisés. La société est aussi chargée de livrer 510 logements à Mamoudzou ainsi que des bureaux et des locaux commerciaux.

La poursuite de plusieurs chantiers dépend de l’opération wuambushu. Le manque d’espace foncier, notamment en raison d’importantes superficies agricoles, ne permet pas de déplacer les bidonvilles avant construction en dur. Hors plusieurs logements sociaux sont prévus sur des zones occupées.

Sources et bibliographie :