Sortie réussie pour le second modèle du programme Barracuda. Le 27 et 28 mars le Duguay-Trouin a quitté le port militaire de Cherbourg pour naviguer dans La Manche. La série doit redorer le blason de l’industrie française dont la réputation est entachée depuis l’incendie du Perle.
Les faits : Des essais jusqu’à l’été 2023
Le sous marin nucléaire d’attaque reste la propriété des constructeurs Naval Group et TechnicAtome jusqu’à la fin des essais. Ils sont réalisés sous la supervision de la Direction Générale de l’Armement et du Commissariat à l’énergie atomique, qui contrôlent la conformité des modèles avec la commande passée par l’État. Le Duguay-Trouin est le second Sous-marin Nucléaire d’Attaque (SNA) format Suffren, sur les 6 attendus à l’horizon 2030.
La sortie en mer fait suite aux tests en bassin, commencés fin 2022. Ces derniers ont validé l’étanchéité et le démarrage de la chaufferie nucléaire.
L’exercice dans La Manche permet de confirmer la navigation en situation réelle. Son prochain rendez-vous est dans l’Océan Atlantique pour bénéficier d’une profondeur permettant de confirmer la résistance à la pression. La destination finale du Duguay-Trouin sera la Mer Méditerranée. Livraison à l’Armée française prévue pour l’été 2023.
Si le programme est intitulé Barracuda c’est en raison des caractéristiques de ce poisson. Longiligne et connu pour sa puissance, il utilise la discrétion pour fondre sur sa proie et a ainsi colonisé la quasi totalité des océans.
La série de sous marin Suffren utilise la propulsion nucléaire pour conserver une grande autonomie sur un large périmètre. Ils sont surtout dotés d’une capacité de tir par missile de croisière, les MdCN. D’une portée de 1000 kilomètres avec une marge d’erreur de l’ordre du mètre. Outre les habituelles torpilles et missiles anti-navires, c’est bien le MdCN qui donne son originalité au sous-marin français. Il s’agissait d’ailleurs de compenser le retard en la matière puisque les Etats-Unis, la Russie et le Royaume-Uni se sont dotées bien avant la France d’une capacité de tirer ce type de missile depuis la mer.
S’ajoute un hangar de pont. Un module permettant de déployer facilement des commandos à partir d’un mini sous marin embarqué.
Le contexte : des avaries et la menace d’un conflit de grande ampleur
Les essais de ce second modèle sont plus cruciaux qu’il n’y paraît. La précédente série de SNA français a vu le Perle subir plusieurs accidents. En 2020 un incendie a ravagé le sous-marin obligeant le constructeur Naval Group a découper plusieurs éléments pour les faire analyser et repasser des essais sur leur résistance. Cet accident est largement sous considéré concernant l’annulation en 2021 des commandes de l’Australie auprès des industriels français.
En 2022 rebelote avec une combustion sans flamme. La série Suffren du programme Barracuda doit donc redorer le blason des sous-marins français.
Naval Group ne se contente pas d’assembler des pièces. L’entreprise développe ses propres alliages et matériaux composites. C’est toute la complexité du SNA qui est donc réalisé à partir d’éléments uniques, brevetés, qui n’ont pas été étudiés ni éprouvés par la communauté scientifique. Néanmoins l’industriel ne joue pas les apprentis sorciers. Son service de Recherche et Développement fait passer ses inventions sous une batterie de tests : en four électrique, en presse mécanique et même sous des tirs radios. Aussi appelés gammagraphie, ces derniers permettent d’examiner la structure de soudure et du moulage avant et après les tests d’usure.
Les enjeux sont encore plus sensibles à la suite de l’invasion russe en Ukraine. La capacité de tir de missile de croisière s’est révélé primordiale, puisque de nombreuses destructions de centrales ukrainiennes sont effectuées par la marine russe. Et qu’à l’inverse, les bâtiments les plus massifs et les plus coûteux ont montré leur vulnérabilité à travers la destruction du navire amiral russe le Moskva.
Le Sous-Marins Nucléaire d’Attaque a justement une double fonction : offensive, avec ses missiles de croisière, mais aussi d’interception de drone et de navires ennemis. Pour cette fonction protectrice l’armée française a constitué le GAN. Le Groupe Aéronaval Français conjugue le porte-avion Charles De Gaules a un important dispositif devant assurer la sécurité du mastodonte des mers : deux frégates antiaériennes, deux frégates multi missions, une frégate légère furtive, un navire ravitailleur et un sous-marin nucléaire d’attaque. Actuellement le Rubis tient ce rôle. Il doit être remplacé par un modèle de la série Suffren. A noter que le Charles De Gaules doit lui aussi être remplacé par une version modernisée. Celle ci ne devrait pas être livrée avant 2038. Vous pouvez d’ailleurs découvrir le projet dans une représentation 3D commentée par Aeronews TV :