PRAGMAMEDIA-LOGO

Armement et énergie : L’Algérie et l’Europe condamnées à s’entendre

Armement et énergie : L’Algérie et l’Europe condamnées à s’entendre

Lors de la visite d'Emmanuel Macron en Algérie, la directrice d'Engie rencontre le groupe Sonatrach
Lors de la visite d'Emmanuel Macron en Algérie, la directrice d'Engie rencontre le groupe Sonatrach
Lors de la visite d'Emmanuel Macron en Algérie, la directrice d'Engie rencontre le groupe Sonatrach
Lors de la visite d'Emmanuel Macron en Algérie, la directrice d'Engie rencontre le groupe Sonatrach

Si les débats historiques ont dominé dans la retranscription de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie, la présence du ministre de la Défense et du ministre de l’Économie laissait présager un agenda plus matérialiste. Au programme notamment, la hausse de 50 % des livraisons de gaz algérien. Mais de plus en plus proche de Vladimir Poutine, l’Algérie peut-elle constituer un fournisseur fiable ?

Les faits : Une faible commande française mais un poids conséquent en Europe

Prise isolément, la vente de gaz algérien à la France reste modeste. Le gaz représente 20 % du mix énergétique français avec seulement 8 % importé d’Algérie. Les négociations entre les deux pays concerneraient une hausse de 50 % du volume livré.

Selon Europe1, Catherine MacGregor, directrice d’Engie, a rencontré son homologue algérien de la Sonatrach en marge de la visite présidentielle du 26 août. Arnaud Montebourg, président du groupe France-Algérie était lui aussi présent. D’après Algérie-Eco, qui publie des photographies confirmant ces réunions, monsieur Montebourg a rencontré le président du think tank CAPMena en compagnie du représentant du fond d’investissement Ardian. Le média algérien précise que « les entretiens ont porté sur les perspectives de coopération dans le domaine technologique (Mines et hydrocarbures) et les possibilités du financement de projets industriels ».

Si le gaz algérien revêt un intérêt stratégique pour la France, il représente aussi 11% de l’importation pour l’ensemble de l’Union Européenne. Plusieurs pays membres souhaitent donc renforcer les volumes importés. Les infrastructures limitent encore les livraisons mais la Sonatrach annonce de nouvelles découvertes de gisements, alors que le pays est déjà en capacité de produire deux fois plus qu’il n’exporte. Si le pouvoir algérien relance le gazoduc Maghreb-Europe, il pourrait devenir le principal fournisseur de l’Europe.

En avril 2022 l’Italie signe déjà une augmentation de ses importations avec l’Algérie. Les capacités d’acheminement sont néanmoins interrogées. Sur le site ConnaissanceDesEnergies « selon les chiffres compilés par MEES pour 2021, le gazoduc Transmed desservant l’Italie avait une capacité non utilisée de quelque 7,8 milliards de m3, déjà en deçà des 9 milliards de mprévus par le dernier accord algéro-italien. ». Le même problème devrait se poser pour la France qui ne bénéficie pas d’une connexion directe. Dans les deux cas, l’importation supplémentaire se fera par bateau.

Le sous sol algérien lui offre un poids considérable qui renouvelle la dépendance de l’Union Européenne envers un pays tiers. L’Espagne en a déjà fait les frais en 2021 lorsque le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé l’arrêt des livraisons de gaz au Maroc, suivi d’une réduction des livraisons vers l’Espagne. En cause : le soutien à la politique marocaine dans le Sahara.

Le contexte : L’Algérie ménage la chèvre et le chou

Le président algérien fait preuve d’une certaine habilité dans ses relations diplomatiques. Utilisant les rivalités entre ses partenaires. Au début du mois d’août Tebboune laisse circuler dans la presse l’idée selon laquelle il pourrait rejoindre les BRICS. L’alliance économique dont font notamment partie la Russie et la Chine. Une possibilité qui inquiète. La Russie dans sa stratégie d’invasion souhaitant contrôler la pénurie d’énergie en Europe, pour obtenir un levier permettant l’isolement de l’Ukraine.

Cependant l’alliance des BRICS est pour le moment peu contraignante pour ses membres. Mais d’autres coopérations effectives s’ajoutent à la rumeur. En premier lieu le domaine militaire. L’Algérie se fournit de longue date auprès de la Russie avec des commandes régulières se comptant en milliards de dollars. Aux livraisons d’armes s’ajoutent les contrats de formation et d’entretien du matériel. Une telle dépendance militaire peut constituer un levier indirect en faveur de la Russie.
Autre message envoyé par les autorités algériennes, l’annonce d’un exercice militaire conjoint sur son sol avec les troupes russes. « bouclier du désert » est prévu pour novembre 2022 et concerne l’entrainement interarmées contre les mouvements djihadistes et insurrectionnels. Une coopération renforcée dès 2017 par la participation de l’Algérie à l’Army Games, concours de manœuvres militaires se déroulant en Russie.

Mais l’habilité ne fait pas tout. Selon un membre du Pentagone s’exprimant anonymement dans la presse anglo saxonne : “Nous prévoyons pour la Russie un réel problème dans la livraison des équipements à ses partenaires, au regard des pertes subies en Ukraine ». Outre le remplacement du matériel détruit, la production d’armement russe est dépendante de composants fournis par les occidentaux et indisponibles depuis l’invasion en Ukraine. Si bien que les futures commandes de l’Algérie pourraient nécessiter de revoir la hiérarchisation de ses partenaires. Emmanuel Macron pourrait bénéficier de cet aspect pour consolider l’approvisionnement en gaz algérien tout en vendant de l’armement. La présence du Ministre de la Défense française dans la délégation du 26 août n’est pas anodine. La dernière commande d’armes françaises émise par Alger date de 2020 et concerne une valeur totale de 41 millions d’euros.

Autre enjeu pouvant impacter les relations économiques : la reconnaissance du Sahara Occidental. Objet d’un affrontement entre l’Algérie et le Maroc. La première souhaitant voir une diminution du territoire marocain par l’indépendance sahraoui, le second souhaitant maintenir des frontières élargies équilibrant le rapport de force.
Pour la France, après un soutien historique au Maroc, elle refuse de  prendre partie dans ce conflit. Le Roi Mohammed VI s’est d’ailleurs exprimé quelques jours avant la visite d’Emmanuel Macron à Alger, en enjoignant « les pays indécis » à sortir de leur « ambiguïté » au sujet l’indépendance sahraoui.

Pour appuyer sa demande, le souverain marocain bénéficie déjà d’une bonne relation militaire avec la France. En 2020 le roi commande pour 425 millions d’euros de matériel militaire. A cela s’ajoute un projet qui lui offrira dans quelques années, une nouvelle capacité d’exportation : le gazoduc atlantique partant du Nigeria.

Mais pour le moment, seul l’Algérie est en capacité d’augmenter significativement ses exportations. Lui offrant un pouvoir diplomatique majeur. Situation d’autant plus frustrante pour les alliés de l’Ukraine, que selon le Moscow Times, le Maroc aurait refusé la proposition russe d’utiliser Casablanca comme hub d’approvisionnement. Ce qui tendrait à rendre cette coopération plus fiable en terme de compensation au gaz russe, que l’importation de gaz algérien.