Dans un contexte de menace militaire en Europe, le projet de loi présenté le 24 janvier vise à supprimer un jour férié pour renforcer le budget de la Défense danoise. Sur l’intérêt économique, la situation semble similaire à l’instauration en 2004 de la journée de Solidarité en France. Découvrons cette actualité danoise et l’origine historique du grand jour de prière.
Les faits : Un projet de loi pour une application en 2024
Le texte est déposé par Ane Halsboe-Jørgensen, ministre danoise de l’Emploi. La démarche est motivée par le renforcement des recettes de l’État face aux menaces de la Russie. Le texte précise : « Le but de la loi est de faire en sorte que les grands jours de prière soient considérés comme un jour de travail normal». Les îles Féroé et le Groenland, rattachés au Royaume du Danemark, ne sont pas concernés.
Une réforme danoise qui parait similaire à l’instauration en 2004 de la Journée de Solidarité en France. Mais la différence réside dans la hausse de salaire « Le projet de loi garantie que les salariés dont les heures de travail ont été augmentées reçoivent un complément de salaire pour le travail effectué ». Ainsi au Danemark le gouvernement compte sur les cotisations courantes associées à cette journée là où en France le salarié réalise 7H00 de travail non rémunérées en contre partie d’une cotisation patronale supplémentaire, intitulé Contribution Solidarité Autonomie. Qui oblige l’employeur à reverser 0,30% de la masse salariale brute mensuelle.
Si le texte est adopté il doit s’appliquer le 1er janvier 2024. Mais il lui faut passer le Folketing, le Parlement danois à une seule chambre. La réforme est critiquée par les Évêques danois, des syndicats et plusieurs partis politiques. Une situation cocasse où l’extrême gauche manifeste aux côtés de l’église luthérienne évangélique. Si Ane Halsboe-Jørgensen peut compter sur les arrêtés royaux pour passer en force, elle doit cependant composer avec l’opposition, dont certains partis menacent de faire obstruction sur d’autres votes.
Interrogés par le média public Danmarks Radio, Søren Pape Poulsen président du parti conservateur et Inger Støjberg présidente des Démocrates, déclarent néanmoins qu’ils ne supprimeront pas la réforme en cas d’alternance du pouvoir. Du moins pas sans avoir trouvé un financement alternatif. Le gouvernement espère augmenter les recettes publiques de 3 milliards de couronnes danoises (soit 403 millions d’euros, le pays a conservé sa monnaie en raison des accords d’Édimbourg signés en 1992). Au total le pays doit trouver 18 milliards de couronnes pour atteindre les objectifs fixés par l’OTAN.
Culture historique : Qu’est ce que le grand jour de prière ?
Il s’agit d’un jour férié correspondant au quatrième vendredi après Pâques. Il est instauré par le roi Christian V en 1686. A l’origine cette période religieuse est consacrée à la prière, à la pénitence et au jeûne. Elle comprenait plusieurs jours fériés avec une interdiction de travailler durant la prière. Hans Bagger a supprimé plusieurs de ces dates fériées pour n’en officialiser qu’une seule. D’où l’expression « grande journée de prière ». On dénombre en fait 3 jours de cérémonie, mais un seul est chômé.
Christian V est roi du Danemark et de Norvège à partir de 1670, succédant à son père Frédéric III. Il est connu pour avoir réformé la noblesse par la création de titres à destination des roturiers. Il est aussi à l’origine de la guerre d’annexion de la Scannie contre la Suède, alors alliée de la France. L’invasion échoue et plonge le pays dans une crise économique qui conduira aux réformes fiscales, dont celle du Grand Jour de Prière.
Culture politique : Qui défend cette loi ?
Ane Halsboe-Jørgensen est membre du parti Sociaux-démocrates (Socialdemokraterne en danois). Fondé en 1871 c’est un des plus vieux partis d’Europe. Il s’inscrit dans l’internationale socialiste et fait parti au Parlement européen de la coalition Parti Socialiste européen (PSE).
Le Danemark est une monarchie constitutionnelle et une Démocratie Parlementaire. Le poste de premier ministre revient à la majorité remportant les élections législatives. En 2019 le bloc de gauche gagne la majorité et nomme Mette Frederiksen, première ministre. Cette conquête politique repose sur des discours contre l’immigration africaine qu’elle justifie ainsi « Pour moi, il devient de plus en plus clair que le prix de la mondialisation incontrôlée, de l’immigration massive et de la libre circulation des travailleurs est payé par les classes populaires ».
En 2021 elle renforce notamment la loi sur l’attribution de logements sociaux en faisant passer la limite de 50 % de résidents non occidentaux, à 30 %. Une politique défendue au nom de l’intégration. Ces positionnements ont permis de renouveler la coalition lors des élections législatives de novembre dernier. Le gouvernement déclare cependant le 30 janvier 2023 que toutes les femmes afghanes se verront accorder un droit d’asile en raison des atteintes à leur sécurité et liberté depuis la prise de pouvoir par les Talibans.
Sources :
– Le projet de loi retirant le Grand Jour de Prière de la liste des jours fériés : https://www.ft.dk/ripdf/samling/20222/lovforslag/l13/20222_l13_som_fremsat.pdf
– Positions de l’opposition danoise : https://www.dr.dk/nyheder/politik/konservative-og-danmarksdemokraterne-tordner-mod-afskaffelsen-af-store-bededag-men