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Devant l’ONU la junte malienne se contredit et accuse la terre entière

Devant l’ONU la junte malienne se contredit et accuse la terre entière

adboulaye maïga onu mali
adboulaye maïga onu mali

Le discours prononcé par la junte le 24 septembre constitue une mise en scène à destination de l’opinion malienne, mais n’a guère de chance d’obtenir le soutien de la communauté internationale. La crédibilité des autorités auprès des diplomaties étrangères est au plus bas. Elle ne sera pas renforcée par la tribune d’Abdoulaye Maïga.

L’affaire des 49 militaires ivoiriens confirme la nature dictatoriale du régime malien

Lors de son intervention à l’ONU, le premier ministre malien Abdoulaye Maïga répond négativement aux demandes de la CEDEAO. Refusant la libération des militaires ivoiriens arrêtés le 10 juillet à Bamako : « Il est utile de rappeler au président en exercice de la CEDEAO, qu’au Mali les autorités n’interfèrent pas dans les dossiers judiciaires et respectent l’indépendance de la justice. Donc nous n’avons pas vocation à interpeler ou relâcher ». Une déclaration remarquable… sur la forme.

Mais d’autres décisions et discours des autorités maliennes contredisent les propos de l’ancien colonel. Assimi Goïta et Abdoulaye Diop ont récemment exigé l’extradition de deux opposants maliens exilés en Côte d’Ivoire, en échange de la libération des militaires ivoiriens. L’ancien ministre des affaires étrangères Tiéman Hubert Coulibaly et le fils de l’ancien président, Karim Keïta : « Ces personnalités bénéficient de la protection de la Côte d’Ivoire pour déstabiliser le Mali » assure la junte.

Cette exigence confirme que les militaires ne sont pas jugés en fonction de leurs actes mais qu’ils constituent une monnaie d’échange pour le gouvernement. Ce dernier décide seul de qui peut ou non être emprisonné. D’ailleurs aucune date de procès n’a été annoncée depuis leur arrestation.

Des actes encore plus concrets permettent d’affirmer que la junte s’est octroyée les pouvoirs de l’institution judiciaire. Lors de la libération de trois femmes soldates pour raison humanitaire, le médiateur et actuel ministre des Affaires Étrangères du Togo, a déclaré « Je voudrais vous annoncer que le président de la transition […] du Mali, Assimi Goïta, a accepté […] de procéder à la libération de certains prisonniers ». On imagine difficilement le malaise à l’ONU lors du discours d’Abdoulaye Maïga prétendant que la justice malienne serait indépendante.

Concernant la légitimité de l’arrestation, le discours affirme que les soldats arrêtés sont entrés sur le territoire malien avec des documents stipulant qu’ils étaient peintres et maçons. Et que leur mission consistait à déstabiliser l’État malien. Aucun documents n’a été fourni pour appuyer les accusations. Qui rappelons le, concernent 49 militaires qui se sont présentés au contrôle aéroportuaire bamakois et ont accepté l’ordre d’arrestation sans opposer de résistance. On a jamais vu de « mercenaires voulant déstabiliser un Etat » faire preuve d’autant de coopération et de si peu de discrétion.

La junte utilise la xénophobie contre le Président du Niger

Au sein du discours de 34 minutes, un propos fait scandale. La mention aux origines du président nigérien, Mohammed Bazoum. Les autorités nigériennes sont très critiques contre les choix stratégiques du Mali, en raison de l’affaiblissement du dispositif anti terroriste qui en découle. Le colonel Maïga a donc signifié devant l’ONU « A l’endroit de monsieur Bazoum. Il remarquera que le gouvernement de la transition n’a pour le moment jamais réagi à ses propos injurieux. Pour plusieurs raisons […] ne pas répondre à des injures par des injures. » avant de faire le contraire : «La seconde relève de l’identité de monsieur Bazoum. L’étranger qui se réclame du Niger […] Monsieur Bazoum n’est pas un nigérien. »

Le déplacement des arguments stratégiques vers l’injure et l’origine des individus ne passe pas en Afrique de l’Ouest. Où la notion d’ivoirité a déjà engendré une guerre civile en Côte d’Ivoire. L’opposition malienne dénonce un discours haineux.

Babarou Bocoum, secrétaire politique du parti malien Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (Sadi) a déclaré « Tenir des propos au mépris de tous les corps diplomatiques en s’en prenant à n’importe qui et à tous les étages, ce n’est pas une politique qui honore notre pays, ce n’est pas dans l’intérêt du Mali. Et tenir de tels propos belliqueux, pendant que le pays est en train de couler, pendant qu’on est dans l’incapacité de protéger les Maliens, au lieu d’appeler les amis du Mali à accompagner le Mali avec un discours responsable. On s’en prend toujours à des gens à tort ou à raison sans que cela puisse apporter une solution aux problèmes que nous connaissons. »

Déni de la situation sécuritaire :

Si la junte a galvanisé l’opinion publique malienne en laissant croire que la montée en puissance des FAMA et l’aide militaire russe étaient à la hauteur de la menace terroriste, le retour à la réalité s’avère douloureux. Mais dans un déni constant Abdoulaye Maïga explique que « les terroristes ont été considérablement affaiblis et la peur a changé de camp ». Pourtant plusieurs villages ont été incendiés et la route entre Gao et le Niger est désormais interdite au transport de carburant. En raison de la fréquence des pillages sur l’axe routier.

Pour autant Abdoulaye Maïga n’a pas consacré l’intégralité de son temps de parole à la stratégie du bouc émissaire. Il s’est autorisé une déclaration lucide. Conscient du défi qui attend le pays, l’ancien colonel confirme la nécessité de poursuivre les actions de développement et reconnaît que la seule approche militaire ne suffira pas à endiguer le terrorisme. En effet, d’après les rapports de l’OCHA, 1,8 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire au Mali. Ce qui offre aux mouvements djihadistes la capacité de recruter des profils qui n’auraient pas rejoint le terrorisme autrement.

Confusion entre les missions de l'Etat malien et de la MINUSMA :

La seconde intervention plus en phase avec les valeurs de l’ONU est d’une saveur aigre-douce. Elle concerne la gestion des réfugiés maliens qui ont du abandonner leur village. Ils sont estimés à 370.000. Les concernant : « Le peuple malien reste reconnaissant des efforts et sacrifices consentis par la MINUSMA ». Avant de se défausser à nouveau de ses responsabilité : « cela dit il nous faut reconnaître que dix ans après son établissement, les objectifs pour lesquels la MINUSMA a été déployée au Mali, n’ont pas été atteints. »

Problème, ce sont les FAMA qui ont la responsabilité d’éradiquer le terrorisme. Le mandat de la MINUSMA est très clair « la lutte contre les violences intercommunautaires […] la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ». Mission en grande partie réalisée, puisque les groupes rebelles ont arrêté de combattre les forces gouvernementales et sont désormais formés par l’ONU, dans le but de les intégrer à la lutte contre les Groupes Armés Terroristes. Abdoulaye Maïga ne semble pas se rendre compte de l’énormité qu’il prononce devant l’Organisation des Nations Unis.

Renouvellement des accusations contre la France :

Tout d’abord Maïga renouvelle l’accusation « d’abandon en plein vol » de la part de la France. Transformant les actions hostiles de la junte contre Barkhane en démission « unilatérale ». Il faut dire que le gouvernement malien pensait asseoir son exercice du pouvoir sur le développement du sentiment anti français, sans que cela n’ait de conséquence. Le réveil fut brutal quand la junte a réalisé la perte de plusieurs milliers de soldats expérimentés.

Le ridicule ne semble pas avoir de limite : « Les autorités françaises se sont transformées en une junte au service de l’obscurantisme ». Qualifier un gouvernement élu de junte, quand on a obtenu le pouvoir par un coup d’État, restera probablement dans les annales de l’histoire diplomatique.
Il affirme ensuite que les sanctions décidées par la CEDEAO et l’UA sont réalisées sous influence française. Niant par la même la légitimité et la souveraineté de la majorité des pays africains. En premier lieu les pays voisins du Mali, qui ont décidé des sanctions en raison d’un coup d’État et de la fragilisation d’un dispositif anti terroriste dont dépend leur propre sécurité nationale. Précisons que les 49 militaires arrêtés sont membre de l’armée ivoirienne, Etat membre de la CEDEAO. On imagine mal comment l’organisation ouest africaine pourrait adhérer à la politique des autorités maliennes.

Sans fournir aucune preuve, le premier ministre relance les accusations de « fourniture de renseignements et de matériel à destination des terroristes ». Hors ni la Russie ni la Chine n’ont souhaité convoquer une réunion du Conseil de Sécurité à la suite de ces accusations. Un indice sur la matérialité des preuves que posséderait la junte. Elle promettait déjà des révélations sur le charnier de Gossi avant d’enterrer l’affaire, prise de cours par les preuves vidéos attestant d’une coopération entre les FAMA et Wagner dans la réalisation du false flag. Les victimes ne sont d’ailleurs toujours pas identifiées et les enquêtes internationales ne sont pas permises.

Finalement, le discours de Maïga devant la représentation internationale repose sur le déplacement des responsabilités du gouvernement malien vers le reste du monde. Ce en accusant les Etats africains membres de la CEDEAO et de l’Union Africaine (55 pays), en accusant les 6 pays membres de Barkhane, en accusant spécifiquement la Côte d’Ivoire, la France et le Niger et en accusant la MINUSMA (57 pays). Tous auraient : soit faillis à leur mission, soit cédés à une influence étrangère, soit agressés le Mali. La junte elle, reste immaculée. Une victimisation qui ne pourra pas durer éternellement.

Sources :

– Situation humanitaire au Mali : https://reports.unocha.org/fr/country/mali/

– Missions de la MINUSMA : https://minusma.unmissions.org/mandat-0