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Rafale Papers : série de perquisitions au sein du groupe Dassault

Rafale Papers : série de perquisitions au sein du groupe Dassault

Photo d'un Rafale B par Laurent Quérité.
Photo d'un Rafale B par Laurent Quérité.
Photo d'un Rafale B par Laurent Quérité.
Photo d'un Rafale B par Laurent Quérité.

Le journal Le Point révèle le 4 avril l’existence d’une série de perquisitions dans les locaux du groupe Dassault. Elles investiguent les pots de vins supposés versés par le groupe à des administrateurs indiens, dans le but d’influencer l’achat des Rafales.

Les faits : Trois perquisitions en un mois

Le contrat concerné par l’enquête concerne la vente de 36 Rafales à L’inde en 2016.

Le journal le Point annonce des perquisition par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) et de la direction centrale de la police judiciaire en février. Les lieux visés ne sont autre que le siège du groupe Dassault, ainsi que celui de la filiale Dassault Aviation. Le média indique avoir croisé ses informations auprès de sources judiciaires et des salariés du groupe.

Les premières révélations en France sur le dossier proviennent de Médiapart en 2021, s’appuyant sur le travail d’enquête initié en 2013 par l’Enforcement Directorate, une agence indienne. Le média a choisi d’intituler le dossier : « Rafale Papers » et décrit un système de fausses factures pour lesquelles Dassault n’a pas été capable de prouver la matérialité des produits fournis.

L’Agence française d’anticorruption (l’AFA), par son directeur nommé par décret présidentiel, a classé l’affaire sans suite en 2020. Les fonctionnaires du ministère de la Justice se sont saisis du dossier au regard des opacités démontrées par Mediapart.

Le contexte : Un traitement judiciaire qui suit le fiasco des officines anti corruption

Cet accord fut signé sous François Hollande par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, actuel Ministre des Affaires Etrangères.

L’affaire débute en 2013 lorsque L’Enforcement Directorate, une agence indienne de lutte contre le blanchiment d’argent, se met à enquêter sur des rétrocommissions encadrant un contrat de vente d’hélicoptère italien. Le négociateur Sushen Gupta et plusieurs autres personnes sont placées en détention provisoire en 2019, pour une commission offshore de 50 millions d’euros provenant de l’industriel AgustaWestland. Cet argent aurait été reçu à travers une prestation informatique surfacturée et aurait servi à remercier plusieurs administrateurs et personnalités politiques.

Au fil de son enquête l’agence indienne a détecté d’autres versements visant à influencer les contrat de vente. D’après Mediapart, l’une de ces affaires concerne la vente des 36 chasseurs Rafale. Les médias Times Economics et Cobrapost dénoncent eux aussi un lien entre Sushen Gupta et Dassault.

Cette enquête a d’abord fait scandale avant d’être enterrée conjointement par les autorités Indiennes et Françaises. Ce sont les récentes publications de la presse française qui ont permis de rouvrir le dossier.

En Inde l’un des accusés est un proche du pouvoir, l’ultranationaliste Narendra Modi. En France, ces ventes sont portées par les ministres depuis le début des années 2000 et par Dassault.

Les enjeux : revenus économiques et dépendances de l’État envers Dassault

Dassault n’en est pas à sa première affaire et le milieu des ventes d’arme tend à instaurer comme une coutume, le fait de « huiler » les accords par des pots-de-vin. Un comportement qui s’assoit sur la dépendance des États liés aux entreprises d’armement, et qui peuvent eux même encourager la pratique. Si le dossier fut d’abord enterré, c’est probablement en raison du poids de Dassault. Le groupe constitue 7000 emplois directs et alimente les recettes de l’État. Sans compter les éventuelles rétro commissions.

L’Agence française d’anticorruption (l’AFA) a enquêté sur le versement d’un millions d’euros par Dassault au négociateur indien, avant de clôturer le dossier. Mais Mediapart a pu se procurer des documents confidentiels qui montrent comment les autorités françaises ont sécurisé la corruption. D’après la cellule investigation, les clauses anticorruption ont tout simplement été supprimées du contrat de vente d’armement. Elles devaient permettre aux autorités indiennes d’annuler le contrat en cas de détection de commission visant à influencer ses fonctionnaires. Sous l’autorité de Jean-Yves Le Drian, ces gardes fous ont été supprimés.

De plus Dassault aurait versé 500.000 euros à titre de « cadeau à la clientèle ». Pour se défendre de tout acte de corruption, l’industriel a présenté un devis surprenant qui concerne 50 maquettes de Rafales. Mais n’a pas été en mesure d’attester de l’existence de ces maquettes.

Lorsque Mediapart a tenté d’interroger le directeur de l’AFA au sujet de la clôture de son enquête, Monsieur Charles Duchaine s’est réfugié derrière le secret professionnel. Une agence anticorruption qui avance dans l’opacité alors que le but premier de ce genre d’organisation devrait être de faire transparence, indique un important détournement des outils entre les mains de l’exécutif. C’est donc le pouvoir judiciaire qui sans pour autant avoir établi de culpabilité, poursuit le dossier au regard des contradictions entre les conclusions de l’AFA et la matérialité des éléments interrogés.

Bibliographies et sources :

– Rafale Papers, dossier de 2021 par Médiapart https://www.mediapart.fr/journal/international/071121/rafale-papers-les-factures-bidon-du-systeme-dassault
– Dossiers du Times Economics sur Dassault : https://economictimes.indiatimes.com/topic/rafale-corruption/news
– Article du 4 mars du Point sur les perquisitions chez Dassault en février : https://www.lepoint.fr/justice/vente-de-rafale-en-inde-perquisitions-en-serie-chez-dassault-04-04-2022-2470865_2386.php