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Lettonie : la destruction d’un mémorial d’après guerre ne constitue pas un soutien au nazisme

Lettonie : la destruction d’un mémorial d’après guerre ne constitue pas un soutien au nazisme

riga monument soviétique lettonie
riga monument soviétique lettonie

Jouer avec les apparences permet les procès d’intention. La Lettonie vient de détruire un monument commémorant la victoire de l’armée soviétique sur l’Allemagne nazi. Les discours de la présidence permettent de comprendre la décision.

Les faits : Un monument construit par l’URSS

L’obélisque de Riga et ses statues ne sont plus. Les bulldozers sont intervenus le 25 août. Il s’agissait du dernier monument en Lettonie commémorant la période soviétique. La plupart furent détruits dès 1991.

Bien qu’une tentative de dynamitage par des militants fut entreprise en 1997, le monument était protégé par un traité avec la Russie. Mais dès l’invasion en Ukraine le parlement souhaite envoyer un message fort : les pays baltes ne rejoindront pas la Fédération de Russie. Le traité est amendé conduisant à la destruction du monument. Si certains appuient sur les contestations des partisans du Kremlin, seulement 19 personnes ont manifesté et ont fait l’objet d’une interpellation par la Police. De nombreux lettons félicitent la décision du Parlement 72 ans après les déportations soviétiques.

En 2007 l’Estonie détruisit un monument similaire présent sur son territoire. Le pays fut alors victime de cyberattaques russes et de manifestations violentes.

Si ces monuments sont censés commémorer la victoire sur l’Allemagne nazi, ils n’ont pas la saveur d’une libération. Puisque la défaite de l’armée allemande s’accompagne de l’annexion du territoire letton par l’URSS. Un occupant en remplaçant un autre, ces monuments incarnent moins la victoire contre le nazisme que la colonisation russe. D’autant que l’URSS lance une opération militaire contre les autorités lettones dès 1940, soit une année avant l’invasion allemande. Le Kremlin en profite pour déporter 35.000 lettons dont de nombreux juifs.

Ce n’est pas la première fois que le refus du totalitarisme est déformé pour supposer un soutien au nazisme. En mars 2022 le président letton Egils Levits déclare : « Malheureusement les leaders communistes n’ont jamais été jugés par la cour international pour leurs crimes contre l’Europe comme ont pu l’être les leaders nazis. Cela permet une résurgence du totalitarisme idéologique en Russie et une guerre injuste conduite par Poutine en Ukraine. » Bien qu’il ne s’agisse pas de demander l’amnistie pour le nazisme, certains commentateurs ont tout de même tenter de détourner son propos.

Le contexte : Le colonialisme russe utilise les symboles soviétiques

Dès 1991 et la dissolution de l’URSS, la Lettonie entreprend la consolidation de sa nation par la destruction des symboles soviétiques. En 1994 la justice lettonne condamne d’anciens cadres communistes. Pour les pays Balte la question n’est pas de choisir entre l’héritage soviétique ou l’héritage nazi, mais de refuser les empruntes de ces deux invasions pour retrouver un récit national local et indépendant. D’ailleurs lorsqu’en 2014 Einars Cilinskis, ministre de l’Environnement en Lettonie annonce sa participation à une manifestation néo-nazi, il lui est demandé de démissionner. Il refuse et se retrouve démis de ses fonctions par la première ministre Laimdota Straujuma.

Dans son discours commémoratif du mois de mars, l’actuel président letton rappelle que 42,000 citoyens de son pays ont été déportés en Sibérie par l’occupant soviétique le 25 mars 1949. Dont 11,000 enfants.

Les déportations pratiquées par la Russie en Lettonie reposent sur le même atout stratégique que la déportation des civils ukrainiens du Dombass et de Crimée. Il s’agissait de modifier la population locale pour asseoir les annexions. Après la déportation, suit systématiquement l’arrivée de colons et l’activation d’agents de déstabilisation. Une politique d’acculturation qui exploite les symboles coloniaux pour développer une adhésion à la politique impériale. La Lettonie ne renie pas la lutte contre le nazisme, mais refuse le projet de panslavisme. L’obélisque de Riga servait de point de ralliement aux partisans du Kremlin.