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Russie : La famille Toni dans le viseur de la justice française

Russie : La famille Toni dans le viseur de la justice française

Serguey Toni, fils du Directeur de la Russian Railways possède un patrimoine étonnant
Serguey Toni, fils du Directeur de la Russian Railways possède un patrimoine étonnant
Serguey Toni, fils du Directeur de la Russian Railways possède un patrimoine étonnant
Serguey Toni, fils du Directeur de la Russian Railways possède un patrimoine étonnant

Le nom de Serguey Toni est apparu dans les Panama Papers et l’OpenLux. Le parquet de Paris s’intéresse aux affaires de sa famille suite à la plainte de l’association Transparency International.

Les faits : Une plainte face à des patrimoines opaques

Le parquet de Paris enquête sur les réseaux immobiliers russes depuis la plainte déposée par Transparency International contre X pour blanchiment, non justification de ressource et recel. L’association a officialisé son action en justice en mai 2022 afin de « dénoncer le système de capture de l’Etat russe et de la richesse nationale par des hommes d’affaires et hauts fonctionnaires proches de Vladimir Poutine » tout en précisant que ce « système étend ses ramifications jusqu’en France, dans le secteur de l’immobilier notamment, du fait d’un manque de vigilance des intermédiaires. »

En ne désignant pas une personne en particulier, Transparency International pousse la justice à identifier les différents fraudeurs. Cela rallonge considérablement la procédure mais évite de cibler un pion en préférant exposer l’étendu d’un système. Si d’autres pays n’échappent pas aux affaires de corruption et aux légèretés des administrations fiscales (voir notre rubrique Expression Interdite), en Russie l’absence de contre pouvoir généralise opacité et impunité.

En France, c’est la division Junalco qui est chargée du dossier. Elle opère au sein du Parquet de Paris contre la criminalité organisée et se focalise sur l’origine des biens immobiliers détenus en France par Serguey Toni.

Ses investissements immobiliers sont présents dans plusieurs pays européens. On lui attribue pour la France un appartement proche de l’Elysée dans la Rue du Faubourg, un château et plusieurs villas. Ses acquisitions ne s’arrêtent pas là : Il possède un hôtel en Suisse et au moins 8 propriétés en Espagne. Son nom apparaît dans 7 sociétés différentes et deux fonds placés au Luxembourg. L’un de 40 millions d’euros, l’autre de 60 millions. Une situation étonnante pour un jeune homme de 35 ans.

Déjà présent dans l’affaire des Panama Papers en tant que bénéficiaire de la société Belono Ltd enregistrée dans les îles Vierges Britanniques, son domicile était alors inscrit à Monaco. La principale interrogation dans son dossier concerne la provenance des capitaux lui ayant permis d’acheter autant de biens immobiliers.

Le Chateau de Montapot, propriété de Serguey Toni.

Le contexte : Russian Railways, une planche à billet pour oligarque russe ?

Selon le collectif d’investigation OCCRP, la fortune de Serguey Toni pourrait venir de la corruption au sein de l’État russe, notamment par le biais des fonctions de son père Oleg Toni. Ce dernier est Directeur de l’entreprise nationale russe Russian Railways, en charge des chemins de fer. L’entreprise représente plus de 2% du PIB russe et comptabilise un milliard de voyageurs par an.

En 2011 le ministre russe des transports annonce l’entrée d’investisseurs privés dans l’entreprise nationale. Oleg est alors chargé de superviser les travaux pour les Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi et attribue plusieurs chantiers à deux de ses sociétés. L’OCCRP n’a obtenu aucune réponse du concerné lorsqu’elle a souhaité l’interroger sur la présence d’un conflit d’intérêt. Une notion très abstraite en Russie.

Lors de la première année en tant que directeur, Oleg Toni et sa famille ont acquis pour au moins 7 millions d’euros de propriété immobilière. En 2003 l’achat du Chateau de Montapot en Seine et Marne est réalisé par une société basée dans les Îles Vierges sans propriétaire déclaré mais dont la directrice n’est autre que la femme d’Oleg. Quelques années plus tard, la société lègue gracieusement la propriété estimée à 2 millions et demi d’euros à l’une des 7 sociétés luxembourgeoise de Sergey Toni. La famille possède aussi des propriétés en République Tchèque et en Angleterre.

Dans la plupart des sociétés en lien avec ces opérations immobilières, le nom des propriétaires est inexistant. Les membres de la famille Toni sont généralement indiqués aux fonctions de Directeur. Ce décors nourrit de forte suspicion concernant la participation à une organisation criminelle. Si Oleg possède un salaire annuel d’un million d’euros en étant à la tête des chemins de fer russes, la plupart des acquisitions immobilières de la famille ont été contractées à l’aide de prêts. Si bien que les entreprises du fils, sont majoritairement déficitaires. Ces emprunts n’ont pas été réalisés auprès des banques mais de particuliers, là encore : anonymes.

Sergey Toni est un homme d’affaire apprécié par Vladimir Yakunin. Proche de Vladimir Poutine et ancien président de la Russian Railways c’est lui qui introduit le père de Sergey dans la société ferroviaire.

En 2014 l’agence de presse Reuters a obtenu des documents bancaires russes qui exposent les pratiques de la Russian Railways « Des factures ont été émises aux profits de deux sociétés portant le même nom, déclarées le même jour et comptabilisant le même nombre d’employés » Au total 430 millions de dollars sont concernés par cette double facturation.

D’autres opérations opaques ont eu lieu entre 2007 et 2009 « plusieurs millions de dollars provenant de la Russian Railways ont fini dans des compagnies n’ayant aucun lien avec les opérations ferroviaires ». De quoi interroger l’ampleur de la fraude quand en 2012 l’entreprise nationale russe totalise 22 milliards de dollars de contrats avec des sociétés privées. Dont un certains nombres issues de l’Union Européenne.

Vladimir Iakounine suspecté de former la 5ème colonne :

En 2010 l’homme d’affaire est décoré de la légion d’honneur par Nicolas Sarkozy. Il est reçu plusieurs fois par le Medef. La France souhaite bénéficier de l’influence du personnage pour acquérir des contrats en Russie.

Avec Thierry Mariani il devient en 2011 co-président de l’association Dialogue Franco Russe. Lui permettant de multiplier les rencontres avec le personnel politique et les acteurs économiques. Et sans que cela ne face scandale, l’oligarque révèle quelques années plus tard dans son ouvrage The Treacherous Path, avoir été membre du KGB.

Une expérience qu’il semble exploiter même après la chute de l’URSS. Selon un article du  Journal Du Dimanche publié au mois de mars, lors de ses voyages en Europe, Yakunin était chargé d’identifier les personnalités favorables aux intérêts russes et capables de jouer le rôle d’agent d’influence. Il a notamment rencontré Eric Zemmour en 2015.

Pour le moment peu d’informations ont fuité concernant l’enquête du parquet de Paris. Si Serguey Toni est mentionné pour l’opacité de son patrimoine, il est fort probable que les dirigeants de la Russian Railways seront eux aussi cités.

Les enjeux :