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Pour asseoir l’occupation, des soldats se filment en train de mutiler des prisonniers

Pour asseoir l’occupation, des soldats se filment en train de mutiler des prisonniers

torture russe sur soldat ukrainien
torture russe sur soldat ukrainien

Les scènes sont insoutenables. La torture pratiquée par des militaires russes en Ukraine fut déjà évoquée lors de l’interception d’échanges téléphoniques entre des soldats et leurs épouses. On y découvrait une glorification de la terreur, empreinte de sadisme. C’était irréel, bien trop horrible pour que l’on ose y croire. Mais les images récemment diffusées sur le réseau Telegram prouvent l’existence d’actes de cruauté.

Les faits : Un soldat coupe les parties génitales d’un prisonnier ukrainien

Ces images, de part leur cruauté et du fait de l’atteinte à la dignité humaine, sont légalement et moralement difficiles à diffuser pour les médias. Nous allons donc vous les décrire pour restituer la réalité de la guerre, non sans dégoût.

Parmi les dernières vidéos diffusées se trouve la castration d’un homme en uniforme ukrainien. Il est ligoté au sol, dans les bois. L’entrejambe de son pantalon a été découpée. Il se débat, entouré par plusieurs soldats. Certains ont retiré leurs écussons. D’autres arborent un Z. Il revêtent des camouflages typiques des troupes russes. Les échanges entre eux sont en russe. Sur le crâne du prisonnier on aperçoit plusieurs entailles. Les tortionnaires essayent d’écarter ses jambes, il gémit, il reçoit un violent coup de pied à la tête et semble s’évanouir. Un soldat portant un chapeau cerclé de cauris et un bracelet au poignet prend un cutter et lui coupe les parties génitales. Il s’y prend à plusieurs reprises. Puis il prend les testicules et le pénis du prisonnier pour les jeter au sol, près du visage de la victime. A la fin de la vidéo, un soldat lui tire une balle dans la tête, une flaque de sang se forme. Qu’il repose enfin en paix.

La nouvelle parcours la toile fin juillet. Plusieurs médias ont tenté d’en vérifier le contenu. Les premières diffusions semblent provenir de groupes Telegram favorables à l’invasion russe.

Le premier élément relevé concerne l’accoutrement du bourreau. L’enjeu étant de vérifier si il ne s’agit pas d’une mise en scène ukrainienne. D’après Aric Toler , directeur de recherche au sein de Bellingcat, l’un des hommes correspondrait avec l’identité d’un soldat russe présent sur le complexe industriel d’Azovstal. Affublé du même chapeau cerclé de coquillage et revêtant le même bracelet au poignet, l’individu est apparu le 27 juin dans une vidéo du média Russia Today, qui accompagnait les patrouilles russes. Cependant dans la vidéo de torture, on ne voit pas son visage. Les deux soldats qui l’accompagnent sont quand à eux équipés de cagoules. Selon Bellingcat, les images sont authentiques (vérifications des données visuelles comme l’édition et l’ajout d’effets spéciaux).

Le 29 juillet, l’organisation indépendante russe Conflict Intelligence Team (CIT) confirme les similitudes avec le soldat présent sur la vidéo de RT. Et lance un appel à témoignage pour vérifier différents détails, notamment la voiture blanche estampillée d’un Z. Elle aurait servi à transporter le prisonnier. Le visage de la victime n’a pas été filmé ce qui empêche pour le moment, de vérifier son identité.

Concernant l’appareil de répression installé par la Russie dans les territoires occupés, les observations se multiplient et confirment un régime de terreur. Les services polonais ont dénoncé en juillet l’existence de camp de filtration. Décrivant une méthode d’enrôlement forcé après des interrogatoires. Certains prisonniers ukrainiens seraient envoyés sur le front côté russe. Et la torture utilisée comme moyen de contrainte. Ce qui fournirait un mobile concernant la diffusion d’une vidéo d’exaction russe par des militaires russes.

La Pologne accompagne ses révélations de détails et dit avoir identifié plusieurs prisons participant à ce réseau de filtration. Elle communique leur localisation :

– Donieck, 56 Aksakowa St.  (47.96960292660311, 37.80558685460816)
– Dokuczajewsk, Niepodległości Ukrainy 19 St. (47.743853337074576, 37.67403324854076)
– Manhusz, 63 Tytowa St. (47.05664649250909, 37.310947454816244)
– Nowoazowsk, 69 Kommunariv St. (47.115471, 38.085307)
– Starobeszewe, 30 Paszy Angeliny St. (47.751219, 38.031166)

Dans un document publié le 27 juillet, le gouvernement polonais décrit la situation suivante pour les civils emprisonnés : « Si quelqu’un éveille les soupçons, il fait l’objet d’une répression, qui résulte souvent par la mort. Un destin terrible attend aussi ceux qui obtiennent une « vérification positive ». Il leur est ordonné de se battre dans les rangs de l’agresseur. » La Pologne estime a un million cinq cent miles le nombre de citoyens ukrainiens emprisonnés ou déportés par la Russie.

Dans une vidéo publiée par Visegrad24, plusieurs ukrainiens ayant fuit la Russie décrivent leur passage dans ces camps. Ils disent avoir été menacés en vue de les contraindre à prendre la citoyenneté russe. Une opération visiblement en lien avec la propagande du Kremlin qui pour légitimer son invasion en Ukraine, souhaite revendiquer la volonté des peuples à disposer d’eux même. L’objectif étant de fournir à l’opinion publique internationale un bilan positif sur le désir des territoires annexés de rejoindre la Fédération de Russie.
Ces déportations sont corroborées par l’ONG Human Right Watch dans un communiqué du 22 juillet qui s’appuie sur une enquête auprès de 71 personnes originaires de Kherson, Melitopol, Berdiansk et Skadovsk.

Le contexte : la terreur comme arme de guerre

Pourquoi des soldats russes diffuseraient eux même une telle vidéo ? Tout d’abord, rappelons que dans la plupart des pays solidaires de l’Ukraine, il est tout simplement interdit de diffuser ces images. Il est donc déjà assez difficile d’exposer l’existence de la torture auprès des populations les plus à même de s’y opposer. L’information n’a d’ailleurs que très peu fait l’objet d’un traitement par les médias francophones. Ces images sont donc a priori à destination du public russe et ukrainien. Ce type de fuite est souvent issue d’échanges entre les militaires eux même.

Aussi stupide que cela puisse paraître, ce n’est pas la première fois que des criminels de guerre mettent en scène leurs horreurs. Durant la guerre d’Algérie, des militaires français se prenaient en photo à côté des têtes décapitées. En 2003 lors de la guerre d’Irak, le scandale d’Abou Ghraib reposait sur les photos de torture et d’humiliation des prisonniers irakiens, prises par les militaires américains eux même. Mais les suites furent tout à fait différentes : cela les a conduit devant un tribunal militaire. Les peines selon le degrés d’implication sont alors de 6 mois de prison pour la soldate s’étant « amusée » devant des cadavres, jusqu’à 10 ans de prison pour Charles Graner qui faisait subir des sévices sexuelles aux prisonniers, tout en dissimulant des lames de rasoir dans leur nourriture. Tandis que la Russie interdit l’accès à plusieurs prisonniers de guerre et aux corps, à côté de communiqués de presse niant les accusations en bloc.

Comment comprendre ces vidéos de torture en Ukraine ? Outre un éventuel sadisme, certains analystes soulèvent l’hypothèse d’une propagande contre les désertions. La lassitude due à la guerre pèse sur plusieurs civils et soldats russes. Certains, même si peu nombreux, ont rejoint l’armée ukrainienne. C’est notamment le cas du bataillon Liberté de Russie que nous abordions dans un précédant article. La diffusion sur des groupes pro russes, d’images de tortures exercées sur des prisonniers ukrainiens, peut donc s’entendre comme une menace : si vous rejoignez le camp ukrainien, voici ce qui vous arrivera. Il pourrait aussi s’agir d’une réaction suite à la participation de nombreux civils ukrainiens à la défense de leur ville.

Face aux crimes de la Russie en Ukraine, des membres de l’armée  ont  publié une vidéo refusant toute forme d’intimidation. A la suite de l’explosion du 29 juillet dans la prison d’Olenivka, qui regroupait des prisonniers de guerres ukrainiens, le Major ukrainien Mykyta Nadtochiy a déclaré « l’Ukraine en tant qu’État et le monde civilisé tout entier riposteront douloureusement. Nous découvrons déjà les noms des exécuteurs et des organisateurs du massacre de nos prisonniers. Nous avons déjà des informations préliminaires, mais nous ne sommes pas encore prêts à annoncer les détails. Nous les trouverons où qu’ils se trouvent – dans les territoires occupés de l’Ukraine, en Russie ou dans des pays tiers. L’Ukraine en tant qu’État garantira une peine équitable. Pendant 24 heures, ils ont menti au sujet de l’armée ukrainienne et aujourd’hui, ils ont confirmé leur crime par une déclaration de l’ambassade. »

Après avoir accusé les ukrainiens de tuer leur propre prisonnier, la diplomatie russe n’a pas avoué la mise à mort des prisonniers, mais a clairement confirmé son désir d’appliquer la terreur. Dans un tweet de l’ambassade de Russie au Royaume-Uni : « Les combattants d’Azov méritent d’être exécutés, mais pas par un peloton d’exécution, par pendaison. Ce ne sont pas de vrais soldats. Ils méritent une mort humiliante ». Deux jours après l’explosion de la prison et après la diffusion de la vidéo de torture, cette déclaration pose question.

Avertissement : Nous vous déconseillons fortement de visionner les vidéos de torture. Nous ne mettrons pas les liens permettant de les consulter. Nous les avons visionné à contre cœur, pour nous assurer de leur contenu. L’horreur qu’elles contiennent ne se prêtent à aucune curiosité morbide. Elles peuvent provoquer des traumatismes et des angoisses.

Sources et bibliographie :

Nous ne communiquons pas le lien de la vidéo.

Communiqué du gouvernement polonais sur les camps de filtration russe : https://www.gov.pl/web/special-services/special-services-have-identified-russian-filtration-camps

Dossier du CIT : https://te.legra.ph/July-28-dispatch-07-29

Communiqué d’Human Right Watch : https://www.hrw.org/fr/news/2022/07/22/ukraine-torture-et-disparitions-dans-des-zones-occupees-dans-le-sud-du-pays