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Pillage au Congo : un conseiller du président filmé en pleine corruption

Pillage au Congo : un conseiller du président filmé en pleine corruption

Vidiye Tshipanda congo corruption minier
Vidiye Tshipanda congo corruption minier

Les vidéos sont accablantes et permettent de documenter la méthode utilisée pour allier corruption et pillage de ressource. Deux individus inconnus se sont fait passer pour des investisseurs, face à un conseiller congolais qui leur explique comment verser des rétro commissions sous les radars. En échange : l’obtention de titres d’exploitation minière dans un temps record.

Les faits : une mise en scène de haut niveau

L’opération est réalisée en juillet 2022 et rapporté par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project le 15 septembre. Vidiye Tshipanda est le conseiller spécial chargé des questions stratégiques, pour l’actuel président de la République du Congo, Felix Tshisekedi Tshilombo. Il est invité au Hide, un restaurent londonien. Il doit discuter avec deux individus à l’origine des publications vidéos, qui se présentent alors comme des investisseurs liés à un groupe Honkongais. L’invitation concerne une négociation en vue de l’acquisition de titres d’exploitation minière et fait suite à des conversations préalables réalisées à distance.

Pour consolider leur couverture, les deux individus reprennent les codes de la corruption internationale. Ils financent le vol, le séjour à l’hôtel et l’ensemble des dépenses de l’invité congolais. Mis en confiance par la mise en scène, Vidiye réalisera deux réunions qui seront filmées à son insu. Leur contenu est accablant. D’une part il se vante d’avoir un pouvoir sur le président dont il est conseiller «Si je demande [au président] quelque chose, il donne». D’autre part, il conditionne son intervention auprès du président, en vu d’une attribution de titre minier aux investisseurs, à un système de rétro commission : «La société ne sera pas à mon nom, car je suis politiquement exposé […] Nous avons des trusts qui sont sur l’île Maurice, nous avons différentes façons de le faire, mais généralement nous mettons les noms des personnes que nous contrôlons dans le pays. Mais c’est nous qui dirigeons. […] Je suis toujours derrière.»

Contacté par l’OCCRP, Vidiye Tshipanda se dit victime d’une opération d’un service de renseignement étranger. Indiquant que ces vidéos servent à perturber les élections présidentielles prévues en 2023. Les deux individus ayant fourni les vidéos à l’OCCRP ont refusé de révéler leur identité. N’en demeure pas moins que monsieur Tshipanda est bien la personne présente sur les images et qu’aucun élément n’a été présenté pour démentir sa présence à Londres dans le restaurent du Hide. Concernant le contenu des propos qu’il tient dans les différentes vidéos, l’excuse est tout simplement incroyable : « Je n’ai rien fais de mal. Il y a pu y avoir des malentendus en raison de mon mauvais niveau en anglais ».

Ces éléments vidéos, constitués dans un but de déstabilisation ou non, exposent la nature de certaines négociations dans le commerce international. L’analyse de l’évènement est publiée en collaboration entre l’OCCRP et le journal suisse Le Temps. Dont vous pouvez lire l’exposé complet à cette adresse.

Le contexte : Un pays au cœur du pillage de minerai

La République Démocratique du Congo est victime du pillage de ses minerais depuis aussi longtemps que le pays existe. Des avions pirates du SDECE français aux montages des multinationales, en passant par le pillage des groupes armés à la solde du Rwanda, les méthodes et les bénéficiaires changent, mais la situation ne s’améliore pas.

Batteries pour voiture électrique ou composants de smartphones, le Congo est un pays au cœur des débats sur le développement industriel et technologique. Des échanges qui condamnent souvent la technologie, sans s’intéresser à la situation politique et juridique du pays d’où sont extraites les matières premières.

Si effectivement des enfants travaillent dans les mines, si effectivement de l’eau contaminée et rejetée dans les forets congolaises, si effectivement ces ressources n’apportent pas de retombé aux citoyens locaux : l’activité minière peut néanmoins être encadrée. Par des lois contre le travail des mineurs, par l’application des réglementations de l’Organisation Internationale du Travail, par le financement de réformes sociales, par le traitement de l’eau et des politiques de reboisement. Un panel d’actions qui équilibrerait le choix des zones d’extraction et modifierait les conséquences environnementales et humanitaires.

Mais voilà, pour orchestrer de tels dispositifs il faut un État fort en capacité de lutter contre la corruption. Des prérequis d’autant plus difficile à mettre en place que les investisseurs des quatre coins du monde encouragent le pillage de minerai. Verser une commission à un intermédiaire est souvent plus lucratif que de négocier avec un gouvernement qui appliquerait des mesures sociales et écologiques. Ces dernières augmentant les coûts d’extraction et diminuant les marges de profit des investisseurs. Ces fonds obtenus illégalement par les autorités du Congo entretiennent un cercle vicieux. Puisque les montants des rétro commissions permettent l’achat de médias et le financement des campagnes électorales.

C’est dans ce cadre que le profil de Vidiye Tshipanda a fait l’objet d’un « hameçonnage » d’un tout nouveau genre. Pour le directeur de l’ONG belge Ressource Matters « Les multinationales au Congo utilisent une série de prétexte pour verser de l’argent aux figures politiques locales. Incluant le versement de rentes pour accéder aux terrains. » Les images dévoilant les opérations de Vidiye Tshimanga semblent le confirmer.

Les personnalités et structures luttant contre la corruption et l’exploitation de ressources, pourront désormais s’appuyer sur le plus grand flagrant délit de toute l’histoire du trafic minier.