Un article de France Inter sur les droits des manifestants sème la confusion. L’article est juste mais certaines omissions peuvent engendrer des erreurs d’interprétation. Au cœur du quiproquo : la qualification du rassemblement.
Les faits : On ne peut pas verbaliser ni arrêter pour participation à une manifestation non déclarée
L’article date du 15 juillet 2022 et rapporte une décision majeure de la cour de cassation concernant une verbalisation en marge d’une manifestation non autorisée. Les participants ayant reçu une amende ont fait appel et les juges ont acté que la sanction était illégale. Justifiant le titre de France Inter : « Pour la Cour de cassation, participer à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction. »
L’article précise la situation en citant Xavier Sauvignet, l’un des avocats des plaignants : « il est interdit de participer à une manifestation interdite, il est également interdit d’organiser une manifestation non déclarée. En revanche, il n’est pas interdit de participer à une manifestation non déclarée ».
A partir de ces faits juridiques l’article circule parfois pour contester les arrestations en marge des rassemblements contre la réforme des retraites et l’emploi de l’article 49.3 . Pour déterminer la légalité de ces démarches il faut comprendre les nuances du droit français et regarder au cas par cas.
Le contexte : On peut verbaliser et arrêter pour participation à un attroupement
Un attroupement ressemble à s’y méprendre avec une manifestation. Il n’en est rien du point de vu du droit. Pour faire simple, citons l’article 413-3 du Livre IV du Code pénal : « Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public. »
Jusque là vous pouvez rester sur place. Pour vous priver de cette liberté d’accès à l’espace public il faut une condition : « Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure. »
Le refus de se disperser peut alors engendrer une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. La peine est renforcée si votre visage reste dissimulé après les sommations.
Tout dépend donc de ces sommations. La seconde ne permet plus de considérer la situation comme une manifestation et de bénéficier des droits associés. Il restera cependant une zone de floue concernant le périmètre dans lequel vous avez le droit de vous trouver. Ainsi que les situations où les sommations sont prononcées en un endroit et non entendues à un autre, ou lorsque le dispositif policier se déplace.
Les enjeux : Un cas de figure autorise la dispersion même sans sommations :
L’article L211-9 introduit une exception facilement généralisable : « Il est procédé à ces sommations suivant des modalités propres à informer les personnes participant à l’attroupement de l’obligation de se disperser sans délai. Toutefois, les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent. »
Autrement dit, dès lors qu’un policier est poussé, qu’il reçoit un projectile ou que du mobilier urbain est détruit, les forces de l’ordre n’ont plus besoin de passer par des sommations.
Précisons que les journalistes ont le droit de rester lors d’une dispersion à condition de ne pas entraver l’intervention de Police. Malheureusement si vous travaillez pour un média et ne possédez pas encore une carte de Presse justifiant de votre statut, il risque d’être difficile de faire valoir votre droit d’informer, comme le confirme le Conseil d’Etat.
Cet article aborde la situation du point de vu du droit et ne témoigne pas des pratiques et abus pouvant intervenir. Pragma Média reste à l’écoute des lecteurs-juristes en cas d’anomalie dans cet article.