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Wuambushu : les problèmes de fonds prennent le dessus sur la communication du ministre

Wuambushu : les problèmes de fonds prennent le dessus sur la communication du ministre

Les engins de chantier du futur stade de Tsoundzou ont été incendiés durant le weekend.
Les engins de chantier du futur stade de Tsoundzou ont été incendiés durant le weekend.
Les engins de chantier du futur stade de Tsoundzou ont été incendiés durant le weekend.
Les engins de chantier du futur stade de Tsoundzou ont été incendiés durant le weekend.

Les destructions de bidonvilles et les expulsions de migrants ont régulièrement lieu à Mayotte. L’opération Wuambushu se confronte pourtant à la justice française. En voulant réduire la population des bidonvilles aux coupeurs de route, Gérald Darmanin s’est tiré une balle dans le pied tant la diversité des situations et les particularités du droit surpassent les communiqués de presse du ministère de l’Intérieur.

Les faits : Le bidonville, amalgame des pauvretés

Tout part de l’insécurité à Mayotte. Depuis plusieurs semaines les pillages et exactions se multiplient. La ligne rouge a été franchie lors de règlements de compte à la machette dans les transports scolaires. Images ayant fait le tour de la métropole. L’opération Wuambushu et annoncée par le ministère de l’Intérieur en vue de détruire plusieurs bidonvilles et réaliser des milliers de reconduite à la frontière. 

Le salon de l’étudiant et de l’apprenti à Mayotte qui devait avoir lieu du 24 au 28 avril est reporté à une date inconnue en raison des problèmes sécuritaires. Des mahorais appellent leurs concitoyens de la commune de Majicavo à rester chez eux pour faciliter les opérations de maintien de l’ordre. Des explosions sont entendues  en marge des affrontements.

Le 24 avril loin d’être intimidés par les annonces de la préfecture, des pilleurs dépouillent les automobilistes de leur téléphone portable entre Vahibé et Passamaïnti. Des gendarmes sont envoyés sur place. Ils  tombent dans une embuscade et se font encercler. Les forces de l’ordre tirent des coups de feux en l’air pour faciliter leur désengagement, le raid est envoyé en renfort. Plusieurs gendarmes sont blessés par des projectiles. Les affrontements se multiplient à travers des techniques de guérilla aux abords des sous bois, les forces de l’ordre ne s’autorisant pas à quitter les axes routiers.

C’est ce type de barrage qui rend la population mahoraise furieuse et conduit des collectifs locaux à soutenir l’opération Wuambushu. Les Femmes Leaders, mouvement historique mahorais, occupent d’ailleurs les locaux communaux de Dembeni pour demander une extension de l’opération. Selon le média Info Kwezi les communes de Keli, Kani et Pamandzi subiraient les mêmes manifestations en raison du refus de leurs élus locaux de participer au démantèlement des bidonvilles. Ces derniers empiètent aussi sur les projets de développement des communes. C’est notamment le cas à Tsoundzou où le projet de stade a subi des attaques et l’incendies de ses engins de chantier.

Si les bandes armées font des ravages à Mayotte et se cachent dans les bidonvilles, ce n’est pas la seule zone de repli. Des habitants  dénoncent une stigmatisation sur l’antenne de France Info « Ces délinquants ne sont pas nos enfants, ils viennent et repartent dans les collines.» Ils sont en fait présents un peu partout  et particulièrement mobiles. Profitant de l’impossibilité pour les gendarmes d’avancer en sécurité dans les zones naturelles. La préfecture utilise des drones pour faciliter le suivi des déplacements.

Pour le Président de l’association Droit au Logement « les délinquants seront les premiers à fuir en dehors des bidonvilles, les victimes seront les mal logés ». Pourtant les communiqués de presse décrivent la destruction des bidonvilles comme ciblant les auteurs de crimes et délits. Une manière d’afficher des statistiques impressionnantes et de faire accepter le passage de bulldozer sur des quartiers entiers, où les habitants ont pourtant des profils et situations diverses.

En utilisant la politique de la canonnière, l’opération se traduit en mission anti pauvre et sans garantie pour les droits individuels. C’est sur le manque de discernement de l’opération que le Tribunal de Mamoudzou prononce son annulation dans l’un des bidonvilles de Majicavo. La préfecture annonce faire appel de cette décision et poursuivre son opération dans les autres quartiers de l’île.

La préfecture utilise des drones pour surveiller les bidonvilles.

Le contexte : Wuambushu doit revoir sa feuille de route

Deux arguments ont été avancés par la justice. Le risque d’une réaction en chaîne qui ne cible pas seulement les personnes expulsables et une mise en danger.

Les bâtiments devant être détruits ont été marqués par des numéros mais entre deux zones destructibles se trouvent parfois le propriétaire légal du terrain qui possède lui même sa résidence. L’emploi d’un bulldozer menace l’intégrité des logements. De plus la construction de bidonville repose sur des parois mitoyennes. La justice a donc considéré qu’il existait un risque grave pour la sécurité des habitants en cas d’effondrement en chaîne.

Si ce quartier a été épargné c’est en raison d’une plainte déposée par des habitants. Mais ces menaces demeurent pour le reste des bidonvilles ciblés par Wuambushu. Plusieurs associations dont Droit Au Logement, ont rappelé la procédure légale pour permettre la destruction de bâtiments : les occupants doivent être prévenues un mois à l’avance et les personnes en situation régulière doivent faire l’objet d’un relogement. Et si ces bidonvilles sont principalement habités par des personnes sans-papiers, ce n’est pas toujours le cas. Des mahorais en situation de précarité ont aussi construit leur cabane de fortune dans ces quartiers et plusieurs migrants entrent dans des critères empêchant toute expulsion. C’est le cas des mineurs isolés, des personnes dont la procédure de régularisation est toujours en cours et de celles ayant un titre de séjour.

Les enjeux : Privilégier la concertation aux effets d’annonce :

Ces expulsions ont lieu chaque année sans levée de bouclier des autorités judiciaires. Mais des avocats de la métropole sont venus assister les habitants du bidonville épargné. Un autre problème s’oppose à Gérald Darmanin : le refus des autorités comoriennes de débarquer les migrants sur leur sol. Un premier navire, le Maria Galanta, a été empêché de débarquer à Mutsamudu. L’annonce est parfois tronquée pour faire reposer toute la responsabilité sur Les Comores. Mais les autorités ne sont pas dans une posture d’hostilité vis à vis de la France, même si certains partis politiques aimeraient intégrer Mayotte à l’union des îles comoriennes. Chaque année Les Comores acceptent plusieurs milliers de migrants. On ne peut donc pas parler d’une rupture des canaux diplomatiques.

Mais cette fois ci le ministre français a pris sa décision seul, sans concertation et en annonçant l’opération par voie de presse. Or il faut pouvoir anticiper les arrivées pour mettre en place les moyens d’accueil, voir d’incarcération pour le cas des délinquants. Le ministre de l’Intérieur des Comores, Fakridine Mahamoud précise à l’AFP « Tant que la partie française décidera de faire des choses de façon unilatérale, nous prendrons nos responsabilités. Aucun expulsé ne rentrera dans un port sous souveraineté comorienne ».

Le 20 avril la préfecture annonce la création d’un nouveau local de rétention qui doit alléger le CRA de Mayotte. Mais les infrastructures ne pourront pas accepter la totalité des expulsés. Or l’ambition de lutter contre la criminalité ne peut être accomplie en livrant des milliers de personne au vagabondage. Cela pourrait même aggraver le taux de criminalité. C’est tout le problème dissimulé par les annonces politiques, sans compter que ces expulsions ne résoudront pas les causes de la pression migratoire.

Après les annonces du ministère, la complexité de la situation mahoraise prend le dessus. Pragma Média réalisera une série d’articles sur les problématiques de l’archipel pour expliciter les causes de la pression migratoire. Nous reviendrons aussi sur l’histoire de l’archipel, certains évènements militaires et jeux politiques, tout en ponctuant d’articles plus légers permettant de présenter des aspects positifs de Mayotte et des Comores.