Le jugement a été prononcé le 7 septembre. Après 9 années de procédure, l’association Sherpa félicite une étape majeure dans la lutte contre les inégalités mondiales. Face à une situation inédite, se pose désormais la question de la restitution des fonds. Depuis 2021, l’État français a l’obligation de reverser les biens mal acquis aux populations des pays dont les capitaux sont issus.
Les faits : le succès des plaidoyers de la société civile
L’ONG à l’origine de la procédure judiciaire s’est félicitée dans un communiqué diffusé à la sortie de l’audience. Sherpa, engagée contre la criminalité financière, porte le dossier devant la justice depuis 2013.
Rifaat-Al-Assad, oncle de l’actuel président syrien, est donc définitivement condamné à 4 ans d’emprisonnement par la Cour de cassation, pour blanchiment d’argent et détournement de fonds publics. Ses avoirs situés en France sont confisqués. Ils sont estimés à 90 millions d’euros.
Dans un précédant article, nous abordions le fond des accusations portées contre Rifaat Al-Assad et les différents procès dont il fait l’objet dans plusieurs pays de l’Union Européenne. Il est d’ailleurs toujours en fuite.
Les enjeux : La restitution des avoirs issus de la corruption
Si le succès de la procédure judiciaire est au rendez-vous, pour Sherpa il ne faut pas oublier que ces biens mal acquis sont issus de fonds publics étrangers. L’ONG reste donc prudente « Cette décision historique rappel l’importance de la mise en œuvre concrète du dispositif de restitution des avoirs issus de la corruption récemment adopté par la France ».
Ce dispositif fait parti de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. C’est le sénateur Jean-Pierre Sueur du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain qui en est à l’origine.
Elle constitue un progrès considérable dans le système français et fait suite aux critiques contre l’hexagone dénonçant un enrichissement par la condamnation de dignitaires étrangers. En effet, jusque là les montants saisis étaient réinjectés dans le budget général de l’État français.
Problème, l’actuel président syrien est le neveu de l’homme d’affaire condamné. Se pose donc la question des comptes sur lesquels envoyés les capitaux saisis : ceux de l’État Syrien ? Ce serait réinjecter l’argent dans un tonneau percé dont une part significative du budget sert à combattre les opposants au pouvoir.
La restitution se déroulera en suivant les recommandations de la Convention des Nations unies sur la corruption, dite de Merida, qui stipule « les fonds restitués devront contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des populations. Les restitutions devront avoir lieu dans le respect des principes de transparence et de redevabilité pour éviter, notamment, que les fonds concernés ne soient utilisés dans des circuits de corruption. ». Concrètement, l’État français doit verser les montants saisis au Ministère des Affaires Étrangères qui se voit obligé d’utiliser l’argent dans des actions de développement dans le pays d’où les détournements de fonds sont issus.
L’encadrement légal semble en progrès. Si bien que Sandra Cossart, directrice de Sherpa déclare : « nous saluons cette décision comme une étape très importante de la lutte contre l’impunité en matière de corruption transnationale ». L’étape suivant consiste donc à s’assurer de la bonne utilisation des avoirs saisis. Nous tenterons dans un futur article d’interroger les mesures de transparence et de contrôle encadrant les missions de développement.
Sources et bibliographie
– Communiqué de presse de l’association Sherpa.
– Loi sur la restitution des biens mal acquis : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043898536/
– Personnalités et structures ayant appuyé le projet de loi : https://www.la-croix.com/Economie/France-restituer-populations-largent-Biens-mal-acquis-2021-07-20-1201167147
– Convention de Merida : https://www.unodc.org/pdf/corruption/publications_unodc_convention-f.pdf
Jugé en France, Rifaat Al Assad toujours en fuite
Condamné en France pour 90 millions d’euros de biens mal acquis, sa demande de pourvoi en cassation devait être jugée le 22 juin. La justice