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L’autorité malienne menace la France de représailles militaires

L’autorité malienne menace la France de représailles militaires

mali armée française au Mali
mali armée française au Mali

Créer du doute sans le résoudre constitue une véritable stratégie politique. La junte qui s’est hissée au pouvoir notamment par diabolisation de la France est dans une impasse : Barkhane a quitté le territoire mais la coopération avec la Russie n’apporte pas encore d’amélioration sécuritaire. Le landemain, Koulouba lance une nouvelle campagne d’accusation contre la France, sans avoir prouvé les précédentes.

Les faits : Le pouvoir malien demande à l’ONU d’enquêter sur les soutiens français aux terroristes

C’est par un courrier consulté par Jeune Afrique et RFI que l’information a fuité ce 17 août. Le Ministère malien des Affaires Étrangères a saisi le Conseil de Sécurité de l’ONU. Deux accusations sont présentes dans le courrier : la violation de l’espace aérien malien par l’armée française et le soutien logistique aux terroristes. Une situation explosive puisque le ministre Abdoulaye Diop menace la France de représailles militaires « en cas de persistance de cette posture qui porte atteinte à la stabilité et à la sécurité de notre pays, le Mali se réserve le droit de faire usage de la légitime défense. »

Le verbe est menaçant mais la probabilité de tirs maliens sur les forces françaises est quasi nul : en cause, les derniers soldats français ont quitté le territoire la veille de la saisi du Conseil de Sécurité de l’ONU. Cependant cette position interroge la future capacité de lutte contre le djihadisme dans la sous région. Comment les forces françaises pourront elles combattre les terroristes qui passent du Niger et du Burkina vers le Mali ? L’attente d’une autorisation de survol engendrera la fuite des djihadistes. La peur de crises diplomatiques suite à cette saisi du Conseil de Sécurité risque de créer un sanctuaire sur les zones frontalières, en raison des marges d’interprétation sur l’espace de patrouille autorisé par les uns et les autres. La fluidité et réactivités des opérations étaient justement l’un des piliers fondant les opérations Barkhane et Takuba.

Concernant le soutien aux terroristes, le Mali annonce détenir des preuves. Mais pour le moment les éléments répertoriés ne concernent que les violations de l’espace aérien. Pour lesquelles l’armée française se justifiera par la nécessité de conduire son retrait du territoire malien et de lutter contre le djihadisme conformément aux accords passés en 2013. Le doute demeure et les preuves ne manqueront pas d’être redemandées et analysées. Cependant ce n’est pas la première fois que la junte malienne annonce l’ouverture d’un dossier sans concrétiser les révélations.

Le contexte : Une longue série d’accusation contre la France

Si la chose est désormais portée devant l’ONU, offrant la possibilité d’une vérification collégiale, les accusations par le pouvoir malien contre la France n’ont jamais cessé depuis le coup d’État. Le fantasme d’une coopération entre terroriste et militaires français est à l’origine même de la mobilisation ayant permis de renverser le pouvoir. C’est notamment le mouvement de Ben Le Cerveau, devenu depuis membre du CNT, qui a encouragé cette idée en amont des manifestations contre la mauvaise gouvernance d’Ibrahim Boubakar Keïta. Permettant de faire peu à peu glisser les revendications populaires contre la corruption et les failles électorales, vers l’union sacrée contre les ennemis de l’extérieur : la France et les membres de la CEDEAO exigeant des élections au Mali.

Le 7 février, le Premier Ministre Choguel Maïga accuse la France d’avoir encouragé la partition du Mali et décrit ainsi l’objectif de la Task Force européenne : « Takuba, c’est pour diviser le Mali. C’est « le sabre », en (langue) songhai et en tamasheq, ça n’est pas un nom qui a été pris par hasard ». Le Premier Ministre n’apportera aucune preuve de son accusation, autre que l’interprétation hasardeuse du nom de l’opération. Une argumentation assez similaire à celle des sites de la complosphère qui trouvent des signes de complot dans des titres et symboles. Le premier ministre ajoutera cependant « Les dirigeants français n’ont jamais dit à leur opinion publique, quand ils intervenaient en 2013, qu’ils allaient diviser le Mali ». Et pour cause, la France soutien les accords d’Alger qui visent justement à maintenir l’unité du territoire malien.

Fin 2021 Maïga annonçait déjà la couleur, à travers une interview accordée à l’agence de presse russe RIA Novosti « Le gouvernement malien jusqu’à présent n’a pas son autorité sur la région de Kidal. Or, c’est la France qui a créé cette enclave, une zone de groupes armés qui sont entraînés par les officiers français. Nous en avons les preuves ». Les preuves ne seront jamais présentées officiellement. Cependant à la même période, commencent à circuler sur les réseaux sociaux, des clichés montrant des soldats français entraînant de jeunes touaregs sans uniforme. Le Général Ianni, porte parole de l’État Major des Armées, expliquait en juin à Pragma Média que les images de formation en lien avec l’application des accords d’Alger furent manipulées « La professionnalisation des unités de combat s’est parfois réalisée sans port de l’uniforme par les recrues, permettant de détourner les images de leur contexte ».

Le site Opex360 relève en octobre la manière dont s’est développée cette désinformation sur la formation de djihadistes par la France : « Évidemment, les propos de ce dernier (Choguel Maïga) ont été abondamment repris par la suite, d’ailleurs souvent de manière déformée [les « groupes armés » devenant des « groupes terroristes », sous la plume de Sputnik]. Et le tout sans la moindre mention aux accords de paix d’Alger, signés en 2015 par la Coordination des mouvements de l’Azawad [CMA], dont le fief est à Kidal, la « Plateforme » [alors alliée au gouverment malien] et Bamako. ». Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, précise quant à lui que les choix stratégiques opérés au début de la guerre ont constitué une atteinte à la souveraineté malienne, qui offre du carburent aux désinformations produites depuis. Une analyse confirmée par plusieurs portes paroles de l’armée française qui ont tenu à préciser lors du redéploiement au Niger, que le bilan des erreurs passées a été fait. Ajoutant que les soldats français sont désormais sous le commandement des autorités nigériennes.

Le 22 avril, l’état-major malien indique avoir découvert un « charnier, non loin du camp anciennement occupé par la force française Barkhane ». Une campagne de désinformation est menée en parallèle sur les réseaux sociaux à travers une série de faux comptes afin d’accuser les forces françaises d’exactions. Comme a son habitude, les autorités maliennes ont promis des preuves et des enquêtes. Le pouvoir annonce la mise en place d’une « instruction du ministère de la Défense » et précise : « L’opinion sera tenue régulièrement informée de l’évolution de l’enquête, dont les résultats seront rendus public ». Au lieu de fournir le suivi promis l’autorité malienne poursuit sa gestion de crise par des accusations d’espionnage contre l’armée française. Celle ci ayant désamorcé la manipulation en diffusant les images de mercenaires probablement membres du groupe Wagner, en train d’enfouir les corps.

Pour le dossier porté devant l’ONU, l’autorité malienne assure de nouveau avoir des preuves. On espère les voir rapidement. Pour le moment chaque promesse s’efface derrière de nouvelles accusations, laissant plutôt entrevoir une fuite en avant.

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