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La justice britannique appelée à juger le caractère terroriste du groupe Wagner

La justice britannique appelée à juger le caractère terroriste du groupe Wagner

Photo produite par la Police Nationale Ukrainienne
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Photo produite par la Police Nationale Ukrainienne

Les enquêtes initiées par des organisations internationales ou des services gouvernementaux sont longues. Et se clôturent parfois sans engendrer de condamnations. Face à cette situation, un cabinet d’avocat britannique prend les devants et dépose plainte au nom de plusieurs réfugiés ukrainiens. La Haute Cour londonienne devra statuer sur le caractère terroriste du groupe Wagner et ses relations avec les autorités russes.

Les faits : Un cabinet d’avocat est sollicité par le Parlement

McCue Jury and Partners est sollicité par la Commission des Affaires Etrangères britanniques afin de rassembler des preuves sur les exactions du groupe Wagner.

Le 1er novembre son principal associé, Jason McCue, en profite pour annoncer un dépôt de plainte à la Haute Court de Londres. Une démarche souhaitée par plusieurs exilés ukrainiens ayant contacté son cabinet. Il souhaite faire condamner le groupe Wagner pour terrorisme et exige des compensations financières pour les victimes de cette entreprise de mercenariat.

Pour cela le cabinet reprend les accusations déjà abordées par la presse et plusieurs organisations relatives aux droits de l’homme : acte de torture, viol, exécution sommaire et attaque contre des infrastructures civile. Il qualifie ces méthodes de campagne de terreur.

Pour Jason McCue, il faut prendre acte de ce que la communauté internationale n’a pas su faire : traiter et condamner la société paramilitaire comme un outil de terreur au service du Kremlin. En effet, malgré la multiplication des exactions à travers le monde, le groupe de mercenaire n’est toujours pas inscrit sur les listes de structures terroristes. Que ce soit aux USA, à l’Union Européenne ou à l’ONU. « L’incapacité de la communauté internationale à s’attaquer à l’armée privée de Poutine et son recours au terrorisme, pousse le secteur privé et la société civile à combler le vide. » argumente l’avocat.

Cette première procédure s’inscrit dans une concertation entre juristes présents dans différents pays. D’autres plaintes devraient suivre, notamment aux États-Unis. Et sont accompagnés d’appel au financement.

Le contexte : Une multiplication des enquêtes et la lenteur des conclusions 

Si les débuts d’enquêtes concernant les violations des droits humains sont annoncés avec fracas, leurs réalisations sont lentes et les conséquences timides. C’est le cas par exemple pour le Tribunal Pénal International qui en 2021 a annulé le procès concernant les prisons de la CIA en Ex-Yougoslavie. Le magistrat britannique Karim Khan motivait la décision par les ressources limitées du TPI dans un cadre de résurgence des exactions talibanes. Un immense gâchis alors que la procédure réhabilitait l’institution en terme d’impartialité et redorait le blason des États occidentaux par la capacité de sanctionner leurs fautes. Pourtant des enquêtes sérieuses ont débuté dès 2006 par un procureur mandaté par le Conseil de l’Europe : Dick Marty a travaillé plus de dix ans sur ce dossier. Rassemblant des éléments qu’il considère tangibles, sur le trafic d’organe des prisonniers par les membres de l’UCK. On comprend mal comment les institutions internationales peuvent déployer autant de moyens pour si peu de résultats.

En Ukraine, la mobilisation d’enquêteurs internationaux fut rapide. En Avril le gouvernement français annonce tambour battant, l’envoi d’un tiers des effectifs de l’OCLCH. Ces gendarmes spécialisés dans les enquêtes pour violation des droits humains. Aucune nouvelle n’est donnée depuis, en dehors du déplacement de Jean-François Ricard, procureur français, à Kyiv en septembre. Cependant une campagne d’information est déployée auprès des associations accueillant des réfugiés ukrainiens, ainsi que dans les commissariats. Les témoins et victimes sont appelés à contacter l’OCLCH pour renforcer les plaintes. Signe que la procédure suit son cours. Mais sur quoi débouchera-t-elle ? Une condamnation morale ?

Si la minutie des enquêtes nécessite des vérifications approfondies et longues, il n’en demeure pas moins que l’absence de communication pèse sur les opinions publiques. A contrario, l’organisation paramilitaire Wagner, multiplie les accusations et les faux témoignages en spammant les différents réseaux sociaux. Le résultat est catastrophique en terme de désinformation. Et engendre des soutiens civils au profit de l’organisation criminelle. Si Wagner était déclarée organisation terroriste, les Fournisseurs d’Accès à Internet et les réseaux sociaux seraient contraints de limiter la diffusion de contenus.

Une situation étonnante puisque le classement des organisations djihadistes sur les listes terroristes prouve qu’il est possible de prendre des décisions rapides sans décisions de justice. Et les crimes contre des civils ukrainiens, syriens, centrafricains et maliens  par les paramilitaires sont déjà documentés. Les massacres de Boutcha, d’Izioum et d’Irpin sont sans équivoque concernant la violation du droit international. Il conviendrait que les gouvernements et services d’enquête travaillant sur le sujet s’expriment plus fréquemment.

L’action des exilés ukrainiens et du cabinet McCue vise à maîtriser les condamnations en s’affranchissant des décisions gouvernementales et parlementaires. Jason McCue précise « Nous menons en même temps l’action devant la Haute Cour et la participation aux enquêtes parlementaires ». Il ne veut pas que la Russie puisse se déresponsabiliser sur l’entreprise privée : « Wagner est une partie intégrante de la politique étrangère criminelle de Poutine. C’est ce que nous allons tenter d’exposer par cette action auprès de la Haute Cour ».

L’action judiciaire au Royaume-Uni, s’ajoute à la plainte déposée en juin à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Cette dernière concernait les exactions de Wagner en Syrie et est portée par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).