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Un assaut de la propagande russe et des arnaques sur les réseaux sociaux

Un assaut de la propagande russe et des arnaques sur les réseaux sociaux

désinformation facebook
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Si la désinformation russe et les arnaques en ligne sont présentes sur les réseaux sociaux depuis longtemps, le début de l’année 2023 voit une accélération du processus. De nombreux utilisateurs dénoncent la partialité de la modération et des contenus frauduleux dans les liens sponsorisés.

Les faits : Des escroqueries dans les publicités Facebook

Dans cet article sont abordées deux campagnes d’intox représentant des anomalies dans l’application des CGV/CGU de Facebook. Marc Zuckerberg a annoncé en novembre 2022 le licenciement de 11.000 salariés. suivi en mars de 10.000 autres. La multiplication des désinformations et des arnaques dans les publicités semblent concorder avec ces périodes.

Un exemple probant concerne les applications de gestion des cryptomonnaies. A la mis mars des dizaines de comptes partagent des annonce qui vantent une application révolutionnaire que promotionnerait Elon Musk en personne. Il n’en est rien, c’est une arnaque.

Une série de 4 publicités concernant la même escroquerie, par 4 comptes différents :

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Les annonces renvoient vers des sites différents qui bénéficient pour certains d’une mise en scène assez soignée. Le siège social de l’une de ces applications de cryptomonnaie indique un immeuble situé à Singapour. Une recherche Google sur les avis et critiques  concernant ces applications affiche des sites se présentant comme des critiques du numérique voir comme des sites de Presse. Mais  plusieurs éléments ne vont pas : certains tentent de se faire grossièrement passé pour des journaux français, tel que Le Monde. Les sites plus sophistiqués ont une charte graphique  convaincante mais les différentes pages ont des titres identiques, avec le même argumentaire, les mêmes conclusions et intègrent des boutons publicitaires vers les applications.

A*ctu Fina*nce présente une équipe rédactionnelle mais ne contient aucune mention légale. Dans la rubrique contact on découvre un formulaire proposant d’indiquer son budget et le motif de sa campagne de promotion. Il s’agit de sites frauduleux qui commercialisent la rédaction d’articles pour induire les internautes en erreur. Les entrepreneurs souhaitant diffuser une arnaque ou une désinformation y trouvent leur compte.

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Si la diffusion de désinformation est fréquente chez des utilisateurs, voir peut s’entendre au nom du débat contradictoire, la chose prend une toute autre ampleur lorsque ces contenus sont directement inclus dans les publicités autorisées et diffusées par Facebook. Offrant alors un canal d’ingérence colossal qui atteint les fils d’actualité de tout un chacun, sans même que l’utilisateur n’ait sollicité ces contenus.

A en croire les Conditions Générales de Vente du réseau social, les services de modération inspectent les publicités portant sur la cryptomonnaie afin d’assurer la protection des utilisateurs qui pourraient être trompés : « Examen de la publicité : notre système d’examen des publicités détermine si les publicités respectent notre politique publicitaire relative aux cryptomonnaies. ». On comprend mal comment des publications frauduleuses peuvent être acceptées en aussi grande quantité.

Les publicités concernant des enjeux sociaux et politiques

Selon le sujet traité l’annonceur doit remplir une série de vérification comprenant son identité. C’est le cas pour les sujets portant sur un enjeu politique et social pour lesquels il est en principe difficile de passer au travers des filets. Pragma a du fournir la carte d’identité de son Directeur de Publication afin que son compte personnel puisse être reconnu comme lui appartenant et servir pour la diffusion de publicités. Sans cela chaque article diffusé qui portait de près ou de loin sur la politique était automatiquement refusé.

Ce procédé permet aux utilisateurs d’avoir une garantie sur l’identité de l’annonceur, qui est alors identifiable au-delà du nom de la page qui diffuse. Et permet de répondre aux infractions devant la justice. Les CGV sont claires : « Ces publicités doivent comporter un avertissement avec le nom de l’entité qui les a financées. Si une publicité est diffusée sans avertissement, elle sera interrompue, rejetée et ajoutée à la bibliothèque publicitaire jusqu’à ce que l’annonceur ait terminé le processus d’autorisation. »

Pourtant, des contenus liés à la désinformation russe sont sponsorisés sans qu’il ne soit permis d’identifier l’entreprise ou la personne qui a payé la publicité. Voici un cas inquiétant où la page à l’origine de la désinformation ne possède qu’un seul follower, n’indique aucun siège social, se revendique média sans avoir de Directeur de la Publication. L’opacité totale d’un compte qu’il est facile d’identifier comme ayant été crée dans le seul but de diffuser la publicité qui suit. L’intégralité du texte appelle à s’opposer à la livraison d’arme vers l’Ukraine et constitue bien une publicité avec enjeu politique.

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Le compte a d’ailleurs acheté trois campagnes de publicité le même jour. De manière à associer chaque annonce à des critères de diffusion différents et toucher un maximum d’utilisateurs. Si Facebook acceptait de répondre à la Presse, le réseau social pourrait aider à identifier et décrypter l’origine de ces désinformations.

Contacté le 10 mars dernier, le Secrétariat d’État chargé du Numérique n’a pas souhaité répondre à nos questions. Nous voulions interroger les actions entreprises par le gouvernement et aborder la mise en application du règlement européen contre la désinformation en ligne annoncé par la Commission le 16 juin 2022.

Jean-Noël Barrot, ministre délégué au numérique répondait cependant le 15 février à l’investigation de Forbidden Stories intitulée Story Killers. Une vaste enquête journalistique sur les réseaux de désinformation. Monsieur Barrot lors de son intervention à l’Assemblée Nationale indique « Si les faits sont avérés, il s’agit d’une manifestation de la manipulation à grande échelle à laquelle se livrent des mercenaires de la désinformation pour déstabiliser nos démocraties. »

Traiter au conditionnel l’existence d’une désinformation organisée mainte fois documentée, envoie un très mauvais signal sur l’état des connaissances et des actions d’un ministère chargé des questions d’éthique sur internet et de la protection des utilisateurs. L’attitude du gouvernement contraste avec l’activité du Parlement sur la menace constituée par une désinformation de masse. En janvier 2022 le rapport de la Commission Bronner recommandait « la mise en place de règles contraignantes imposées aux grandes plateformes qui visent, en particulier, les « fausses nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public. »

Bibliographie sur le sujet :

– Analyse du règlement de la Commission Européenne contre la désinformation en ligne, par Les Surligneurs : https://www.lessurligneurs.eu/lutte-contre-la-desinformation-lunion-europeenne-annonce-de-nouvelles-obligations-pour-les-plateformes-numeriques/


– Présentation du rapport de la Commission Bonner : https://www.vie-publique.fr/en-bref/283196-desinformation-en-ligne-les-preconisations-du-rapport-bronner

– Table ronde du 14 mars à l’Assemblée Nationale, en présence de la presse, portant sur les Ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères : https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13068497_641089aa035b5.ingerences-politiques-economiques-et-financieres-de-puissances-etrangeres–table-ronde-reunissant–14-mars-2023?fbclid=IwAR1QgTFLBs-lVSuE1W5B4LK4L0nZdB-lflkRtN5MSGg0HqNsanfoL6PSERI