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Le secteur de la robotique pourrait atteindre 260 milliards de dollars en 2030

Le secteur de la robotique pourrait atteindre 260 milliards de dollars en 2030

robotique croissance
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Une multiplication par 6,5 de la valeur actuelle du marché de la robotique. C’est l’analyse financière du Boston Consulting Group. Les moteurs de cette croissance comprennent les profits associés à la robotisation et les contestations contre les délocalisations. Concernant la manière dont les sociétés intégreront cette croissance cyber : trois hypothèses de société sont envisagées.

Les faits : La robotisation intéresse les pays riches

Il y a peu encore, les industriels et acteurs financiers souhaitant augmenter leur marge pouvaient délocaliser une production dans un pays pratiquant de très bas salaire. C’est la raison de l’exode industrielle et tertiaire vers l’Europe de l’Est, le Maghreb et l’Asie. Une opportunité aussi de se rapprocher des matières premières pour réduire les coûts de fabrication liés au transport.

Un rapport réalisé par Boston Consulting Group (BCG) annonce une forte croissance dans la robotique. Et à grande vitesse puisque le marché actuellement de 40 milliards de dollars pourrait atteindre les 260 milliards dans seulement 8 ans.

D’après BCG la vente de robots au secteur des services concernera 170 milliards contre 80 pour l’industrie et la logistique. De quoi inquiéter les pays développés qui pensaient compenser la perte d’emploi industriel par le développement du secteur tertiaire.

Évoquée en 2017 en France lors de la commission sur l’Intelligence Artificielle au Parlement, la robotisation des postes de travail couplée aux performances de l’intelligence Artificielle modifient les logiques d’investissements qui ont façonné le siècle dernier. Recourir à la robotisation d’un service ou d’une production relativise la recherche d’un salarié « low cost », puisqu’il peut désormais être remplacé et ce dans un nombre de métier de plus en plus vaste. Pragma Média rapportait d’ailleurs l’existence de robots éliminant 80 % des tâches effectuées par un apiculteur, profession que l’on aurait pensé épargnée par la technologie cyber.

La recherche, le développement et la fabrication de chaînes de montage ou de service robotisés impliquent un investissement de départ important qui limite le développement actuel du secteur. Mais les contestations sociales et politiques face aux délocalisations, les logiques de consommation d’une production relocalisée et la limitation du commerce par les crises sanitaires comme militaires renforcent l’investissement dans les usines du futur au sein même des pays riches ; Les États-Unis et l’Allemagne rouvrent déjà des unités de production dans des secteurs comme le textile ou l’automobile.

Une situation accentuée par le doublement des salaires des ouvriers chinois depuis 2007. L’étude américaine explique d’ailleurs que la robotique chinoise et coréenne pourraient rattraper le secteur européen et américain, dans le but d’éviter cette perte de marchés.

Concernant la forme revêtit par cet essor de la robotique plusieurs scénarios sont envisagés pour 2030, en fonction de la demande et des choix technologiques opérés par les entreprises :

– L’augmentation de la robotique spécialisée : C’est la situation qui ressemble le plus aux pratiques déjà connues. Les robots sont programmés pour des chaînes de montages ou des services spécifiques. Dans ce scénario les entreprises de robotiques n’auraient pas assez de débouchés et de marges pour opérer un changement radical même si les influences en terme d’emploi peuvent se ressentir. Dans ce paysage nous serions plutôt devant la croissance des bras robotisés que face à des robots mobiles.

– La robotique comme standard des services automatisés : Cette hypothèse repose sur la diffusion des robots auprès des particuliers. Ici l’automatisation n’est plus seulement au service des grands acteurs économiques mais vient compléter la consommation de confort, comme a pu le faire l’électro ménager. On parle donc de robots capables d’aller faire nos courses, de ranger, laver et de remplir toutes les tâches que les particuliers souhaiteraient éviter. Les entreprises de robotique connaîtraient alors une forte croissance mais leur produit serait peu sophistiqué. Du moins par rapport au dernier scénario. Les freins à cette hypothèse sont la fourniture de matière première et la culture des consommateurs. Il s’agit par exemple des livraisons par drone d’Amazon ou des robots aspirateurs mais à plus grande échelle et concernant davantage de services.

– Le monde à la Google : L’ascendant dans la production robotique reviendrait au produit haut de gamme capable d’être adapté à différents environnements. Des robots dont les modules et programmes requièrent un minimum d’intervention de la part des constructeurs et des utilisateurs. Où l’intervention humaine serait réduite y compris dans les tâches d’entretien, de réparation ou d’adaptation. On parle là de commerces, d’hôtels ou d’usine presque entièrement autonomes. Plusieurs entreprises japonaises expérimentent ces procédés automatisant l’intégralité d’un établissement, mais continuent de devoir recourir à la main-d’œuvre humaine pour l’entretien et l’approvisionnement.

Si une même entreprise de robotique peut difficilement poursuivre ces trois plan d’affaire aux moyens, techniques et consommateurs différents, l’investissement robotique mondial pourrait les encourager toutes les trois et constituer une synergie. Si bien que l’étude estime que ces scénarios ont chacun les mêmes chances de se réaliser en 2030.

Le contexte : Un marché encore réduit aux effets importants :

Si le montant total de la robotique fait pale figure face à des secteurs comme l’agroalimentaire et ses 8000 milliards de dollars de chiffre d’affaire, il reste à prendre en considération la différence entre la recherche et production de robots et leur utilisation. Cette dernière n’est pas prise en compte dans le calcul du marché affecté à la robotique.

Sans être exhaustif la robotique et l’IA sont aujourd’hui utilisées dans l’agro alimentaire, l’industrie, les services et jusqu’au monde médical. Cependant si ces innovations affectent de nombreux métiers, elles ne sont parfois qu’une infime partie des activités investies. La réussite économique des entreprises ayant recours à la robotisation va cependant engager une évolution rapide pour l’ensemble de l’économie. La rentabilité associée à l’automatisation par l’augmentation de productivité et la baisse de la masse salariale, offre des capitaux conséquents. Ils peuvent engendrer ce que la science fiction nommait une méga corporation, et que l’analyse économique appelle monopole.

Les GAFAM pour le secteur de la publicité et des services sur internet incarnent déjà cette logique. Dans un domaine plus matériel, comme l’industrie ou la conquête spatiale, l’exemple de Tesla illustre la nouvelle concurrence qui vampirise les parts de marché des acteurs traditionnels. (voir notre article à ce sujet). Certes le géant américain n’a pas le monopole de l’automobile ni de l’aérospatial, mais sa conquête dans des secteurs aussi difficiles à percer constitue un fait rare qui tient en grande partie aux choix technologiques.

En Allemagne, la nouvelle usine Tesla inquiète déjà. l’américain y engage 1 salarié pour 71 voitures produites, contre 1 salarié chez Renault pour assembler 60 véhicules. De plus face à la pénurie de semi conducteurs plusieurs industriels ont du réduire leur production. Mais les compétences informatiques et technologiques de Tesla lui ont permis de diversifier les importations pour reprogrammer des puces pourtant non adaptées à ses véhicules. A terme les concurrents pourraient donc être contraints de se calquer sur le modèle économique du géant américain si ils veulent garder l’intérêt des investisseurs, qui voient dans la baisse de la masse salariale et dans l’adaptabilité, une opportunité de dividendes accrus

Les enjeux : une croissance du secteur à quel bénéfice ?

Déjà portée par plusieurs députés français, la problématique de la production avec une main d’œuvre réduite implique une redéfinition du cadre fiscal et salarial. Aux Etats-Unis, Sam Altman, co-fondateur de OpenAI prône une socialisation de l’économie américaine par la redistribution des gains obtenus par la robotique et l’IA. Loin d’un communisme ferme il propose une taxe sur les chiffres d’affaires qui dépasse le milliard de dollars à hauteur de 2,5% de leur valeur boursière sous forme d’actions et 2,5% de la valeur de toutes leurs terres en dollars. En raison de la puissance de l’économie américaine et de ses entreprises, le militant estime que son projet de taxe permettrait à l’État américain de reverser 13.000 dollars par an à chaque américain.

Ces prospectives ont souvent un défaut commun dans leur idéal de répartition des richesses : la redistribution des taxes est cantonnée à leurs pays. Or la production et les services liés à la robotisation impactent l’ensemble des États. Un rapport du Tax Justice Network spécifie justement que les USA sont la principale offre d’évasion fiscale au monde. La proposition de Sam Altman est donc une redistribution entre américains, des fruits économiques mondiaux.

L’exemple est plus significatif avec les USA en raison de son poids économique, mais les projets de loi des députés français reposent sur la même logique de contrat social limité à la nation. Le revenu universel prôné par Benoît Hamon, Arnaud Montebourg ou Raphaël Glucksmann omet que les grands groupes et fonds financiers français obtiennent eux aussi une part importante de leur chiffre d’affaire sur d’autres continents. Cet enjeu remet au goût du jour la concurrence entre les nations.

Loin d’être un enjeu idéaliste, cette question de la répartition des richesses en lien avec la concentration des parts de marché dans des territoires et entités réduites, participe à l’état de la stabilité mondiale. Les contestations en Afrique contre la France, ou l’antiaméricanisme en Europe sont liés à cette pyramide des capitaux. Les uns ayant conscience d’avoir des partenaires tirant avantage des échanges économiques, sans qu’aucun n’imagine pouvoir être le prédateur d’un tiers. En périphérie de ces inégalités émergents ou se renforcent les troubles sociaux, les risques terroristes, les conflits armées et les crises diplomatiques.